Les Détours de Babel 2019 en 14 concerts

C'est parti pour la neuvième édition des Détours de Babel, festival estampillé « musiques du monde, jazz, musiques nouvelles ». Soit l'occasion, pendant plus de trois semaines (du 15 mars au 7 avril), de découvrir des artistes de tous horizons et des musiques non formatées. Histoire de se repérer dans le vaste et passionnant programme, on vous livre une sélection de nos attentes à écouter à Grenoble, dans l'agglo et même, parfois, au-delà.


Traversées – Constantinople et Ablaye Cissoko

Il y aura une belle teinte mandingue cette année aux Détours de Babel, pas mal de kora, et quelques Cissoko. À commencer, par ordre chronologique, par Ablaye, qui vient ici flirter avec la musique des cours persanes aux côtés notamment de Kiya Tabassian, chantre irano-canadien de la musique traditionnelle et savante venue de Perse, et grand spécialiste du sétâr, lointain cousin persan de la kora. Ablaye se produira également en solo vendredi 15 mars aux Salons de musique de la Maison de l'international.

Samedi 16 mars à 19h à la salle des fêtes de Commelle et dimanche 17 mars dans le cadre du Brunch #1 du quartier Très-Cloîtres


Trois lettres de Sarajevo – Goran Bregović

Dans ce Sarajevo d'avant la guerre où a grandi Goran Bregović, les cultures et les religions cohabitaient avec bonheur. C'est cette Jérusalem des Balkans, ce paradis perdu du vivre-ensemble que les nationalismes ont aplati que le compositeur fétiche d'Emir Kusturica a choisi de ressusciter en composant Trois lettres de Sarajevo. Une œuvre mêlant musique klezmer, classique et orientale et qui convoque des musiciens de tous horizons, ex-yougoslaves (Chœurs orthodoxes de Belgrade, Orchestre des Mariages et des Enterrements) ou d'horizons plus lointains (Maghreb, Israël). Une Jérusalem faite Babel où tout le monde se comprendrait.

Samedi 16 mars à 19h30 à la MC2


Trio Expeka

Percutante, l'association de la flûtiste Célia Wa, du percussionniste Sonny Troupé et de la rappeuse Casey pourrait bien ravir les amateurs de rap conscient. Inspiré du gwoka guadeloupéen et évoquant sans détours la traite négrière et ses échos contemporains, ce trio rend hommage à la culture antillaise dont il fait vivre l'héritage. Retour aux sources donc, pour un hip-hop brut de décoffrage dans lequel les saillies affûtées de Casey claquent comme des coups de fouet et remettent les idées en place.

Dimanche 17 mars dans le cadre du Brunch #1 du quartier Très-Cloîtres


Kogoba Basigui – Eve Risser et Naïny Diabaté

Du mandingue encore, du mandingue toujours… Mais cette fois, c'est plus rare, avec une femme, la Malienne Naïny Diabaté, joueuse de bolon, chanteuse et griotte de renom, dont le Kaladjula Band, entièrement féminin, s'associe au Red Desert Orchestra de la multi-instrumentiste française Eve Risser pour une création inédite aux frontières de la tradition mandingue et d'un jazz pas comme les autres. À noter que les deux musiciennes se produiront également séparément (Eve Risser en solo et Naïny Diabaté avec son Kaladjula Band) dimanche 24 mars au Musée dauphinois lors du Brunch #2.

Jeudi 21 mars à 20h à l'Hexagone


Médéric Collignon et Jus de Bocse invitent Pumpkin

Grand écumeur de styles devant l'éternel, le cornettiste, claviériste et chanteur Médéric Collignon a cette fois décidé de s'autoriser, aux commandes de son quartet Jus de Bocse, une embardée vers le hip-hop, invitant pour se faire une artiste qui a elle-même l'habitude d'évoluer aux marges de son esthétique de prédilection, la jeune et prometteuse rappeuse indé Pumpkin. Une création proposée en coproduction avec le Voiron Jazz Festival.

Vendredi 22 mars à 20h à la salle des fêtes de Voiron


Thomas de Pourquery Supersonic invite DeLaVallet Bidiefono

On connaissait déjà le caractère pantagruélique des projets de Thomas de Pourquery, parmi lesquels son Supersonic est sans doute le plus caractéristique – notamment lorsqu'il s'était mis en tête de « jouer Sun Ra », cette figure tout aussi orgiaque du jazz déviant. Cette fois, le musicien français et son band supersonique ont choisi, à la remorque d'un long séjour en République démocratique du Congo, de convier, autour de l'idée de transe, la compagnie de danse du chorégraphe congolais contemporain DeLaVallet Bidiefono. Une création qui devrait voyager loin sans ménager aucune monture.

Samedi 23 mars à 20h30 à la Source


Fables of Shwedagon – Anne Paceo

Des ponts, il s'en construit de sacrément longs à Babel, une fois de plus. Celui reliant le jazz et la batterie de l'incontournable et boulimique de projets Anne Paceo avec la musique traditionnelle birmane pour gamelan n'est sans doute pas le plus court. Et sans doute pas le moins beau, qui s'inspire des contes et légendes, largement méconnus dans nos contrées (il faut bien l'avouer), de ce pays secret qu'est le Myanmar. Et de ses mythes fondateurs. Un voyage a priori fascinant où l'on se laissera porter paritairement par cinq musiciens birmans et cinq musiciens français.

Jeudi 28 mars à 20h30 au Manège de Vienne


L.  Subramaniam & Ballaké Sissoko

Sissoko deuxième, mais avec un "s" et non "c" et pour prénom Ballaké, ci-devant empereur de la kora. Et qui, lui, s'en va du côté de l'Inde à la rencontre du violoniste Lakshminarayana Subramaniam, dit "L" pour d'évidentes raisons pratiques, lui-même monument de la musique carnatique du sous-continent, essentiellement construite sur le raga. Soit la rencontre de deux sciences musicales faites de traditions mais à la plasticité étonnante.

Samedi 30 mars à 19h30 à la MC2


Dankin – Mieko Miyazaki et Franck Wolf

Qui aime à se repaître de la découverte de "nouveaux" instruments traditionnels ne sait guère où donner de la tête et multiplie les Détours à chaque printemps babeliens. Une nouvelle occasion en est donnée avec cette rencontre entre le saxophone de Franck Wolf (jusqu'ici, ça va) et le koto japonais de Mieko Miyazaki, imposant instrument à treize cordes emblématique, entre autres, du théâtre kabuki, que l'interprète et compositrice précitée (à retrouver également en solo vendredi 29 mars dans le cadre des Salons de musique) aime emmener loin de ses terres de prédilection. Ici, les deux musiciens explorent ainsi le territoire de l'autre, et s'aventurent de concert dans les œuvres de grands stylistes aussi divers que Coltrane, Piazzolla ou... Schumann.

Dimanche 31 mars au Brunch #3 du Musée dauphinois


Interzone – Serge Teyssot-Gay et Khaled Aljaramani

Voilà une quinzaine d'années maintenant que le concept d'Interzone de l'auteur William S. Burroughs a pris corps et son sous la houlette de l'ex-guitariste de Noir Désir Serge Teyssot-Gay et de l'oudiste syrien Khaled Aljaramani. Sur ce territoire mouvant et fantasmé, à la fois neutre et onirique, les deux musiciens continuent de faire dialoguer au fil des disques et, surtout, des prestations live, des univers vagabonds dont la rencontre a, c'est toute la magie de ce projet, le goût de la fortuité autant que de l'évidence.

Dimanche 31 mars au Brunch #3 du Musée dauphinois


Joëlle Léandre et Pascal Contet

Si jamais vous redoutez de vous rendre à un concert de musique improvisée de peur de vous ennuyer face à des musiciens prétentieux qui n'ont pour but que d'étaler leur virtuosité technique, celui-ci est l'occasion parfaite pour vous déniaiser. Portés par le plaisir de jouer ensemble, Joëlle Léandre (contrebasse) et Pascal Contet (accordéon) ont l'air de deux enfants qui découvrent à chaque instant les possibilités infinies de leurs instruments. Les auditeurs curieux n'en croiront pas leurs oreilles : quoi, on peut sortir un son pareil avec un accordéon ?

Dimanche 31 mars au Brunch #3 du Musée dauphinois


Six Pianos & Indiamore – Christophe Chassol

Sorte d'Indiana Jones aussi aventurier qu'entomologiste des musiques contemporaines, pop et électro, Christophe Chassol mêle à ses recherches musicales une véritable inclination pour l'image. On pourra le constater lors de son passage aux Détours de Babel où cette dernière (l'image) fera plus qu'illustrer les représentations de son Indiamore (variation en quatre mouvements autour de la musique modale indienne) et du Six Pianos de Steve Reich – œuvre minimaliste pour... six pianos que Chassol interprétera néanmoins en solo sous une forme déstructurée. Un must.

Mardi 2 avril à 20h30 à la Source


3MA – Ballaké Sissoko, Driss El Maloumi et Rajery

Sissoko troisième, toujours avec Ballaké et toujours sur le front du tissage du métissage – ce qu'on peut faire avec les cordes d'une kora ! Cette fois aux côtés de l'oudiste marocain Driss El Maloumi et du virtuose de la Valiha (une cithare tubulaire traditionnel de Madagascar) Rajery. Ici, ces instruments aux cousinages très lointains mais réels vont faire étalage des infinies possibilités musicales de la "corde pincée" à la rencontre des transes malgaches d'ascendance indienne, des folles mélodies mandingues et de la tradition berbère, sur un point de jonction qui pourrait bien s'appeler jazz.

Mercredi 3 avril à 20h30 à l'Ilyade


Mulatu Astatke

Il aura fallu 40 ans pour que la musique de Mulatu Astatke, considéré comme le père de l'éthio-jazz (cette forme de jazz bien à part née dans la corne dans l'Afrique dans les années 1960), parvienne jusqu'à nous – grâce soit rendue aux indispensables compilations Ethiopiques du label Buda Musique publiées en 1999. Celui qui se forma notamment dans les clubs new-yorkais et au prestigieux Berklee College of Music (dont il fut le premier étudiant africain), et qui côtoya ensuite Duke Ellington, connaît alors une seconde carrière qui le voit notamment apparaître sur la BO du Broken Flowers de Jim Jarmusch et jouer sur toutes les scènes du monde en un mérité retour de hype.

Vendredi 5 avril à 20h à la Belle électrique


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