Rap pour un nouveau monde avec Hamza

Ovni fantomatique aux velléités pop affirmées et esthète du vide au talent sans égal, le rappeur belge Hamza est une brillante anomalie dans le paysage du rap francophone mainstream des années 2010. Analyse du phénomène à l'occasion de son passage mardi 26 mars à la Belle électrique.


Il faudra un jour rendre justice à la formidable diversité du rap français des années 2010. Un univers musical d'une richesse sans pareil où cohabitent trap sauvage et kickeurs à l'ancienne, cloud-rap vaporeux et rap chanté dansant taillé pour les clubs et chichas, paroliers brillants et refrains d'une effarante simplicité. Une constellation en extension permanente battant des records d'affluence en concert, accumulant les millions de vue sur YouTube et peuplée aussi bien de vétérans au passé glorieux que de nouvelles stars encore anonymes un an plus tôt.

Un phénomène global dont l'effervescence résonne des quartiers populaires de France et d'Afrique francophone aux appartements bourgeois de la jeunesse branchée en passant par les résidences pavillonnaires de la classe moyenne. Et il fallait bien toutes ces conditions réunies afin qu'un artiste au profil aussi atypique qu'Hamza puisse connaître un succès aussi conséquent que celui dont il bénéficie actuellement.

Strip-clubs et ambiances éthérées

S'il est ouvert à une vaste gamme d'influences (trap, R'n'B mais aussi dancehall, afropop, et musiques latines), l'art d'Hamza a ainsi pour particularité de s'inscrire en rupture totale avec le rap français des décennies précédentes. Aucune filiation à rechercher chez le rappeur de Laeken (nord de Bruxelles) si ce n'est celle des stars américaines comme Young Thug, Future ou Travis Scott. De ces derniers, Hamza Al-Farissi a retenu la science du refrain chantonné imparable et des tubes au kilomètre, mais également la capacité à enfanter un paysage mental obsessionnel, peuplé de mots-clés récurrents et d'anglicismes à la truelle.

Aux antipodes de la tradition du storytelling, il ne cherche ainsi jamais à se livrer ou à décrire une quelconque réalité, préférant ambiancer l'auditeur au sein de ballades désincarnées dans lesquelles son personnage de lover désabusé, vulgaire et misogyne sert de guide peu regardant. Pour reprendre la formule consacrée, Hamza ne raconte rien, mais il le fait à la perfection.

Alors bien sûr, tout ça peut rebuter, faire regretter un hypothétique âge d'or créé de toute pièce par la nostalgie d'une époque révolue. Mais cela n'enlève rien au talent de ce jeune rappeur prolifique (six projets en l'espace de cinq ans, à la direction artistique toujours plus affirmée), à sa capacité à créer un univers extravagant mais cohérent, animé par une sincère volonté pop. Comme en témoigne encore la franche réussite de son dernier album fraîchement sorti, Paradise, qui fédère à ses côtés des artistes aussi éloignés que SCH, Christine and the Queens, Aya Nakamura ou Oxmo Puccino.

Hamza
À la Belle électrique mardi 26 mars à 20h


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