Il était une fois le prince Tamino

Rattaché depuis ses débuts à la grâce d'un Jeff Buckley avec lequel il partage un timbre de voix aux possibilités infinies (écoutez son sublime "Habibi"), le jeune chanteur belge Tamino a malgré tout développé un univers très personnel qui court des rivages de la pop contemporaine au pays d'origine de sa famille, l'Égypte. À découvrir sur la scène de la Belle électrique.


Comparaison n'est certes pas raison, encore que. Toujours est-il que lorsque l'on rapproche le talent, les compositions à la fois brutes et délicates et le timbre céleste du jeune (22 ans) Tamino de celui de l'étoile filante Jeff Buckley, c'est parce qu'on y trouve une troublante résonance avec les envolées de ce Dream Brother tragiquement disparu. Déjà dans cette manière d'utiliser sa voix comme un instrument à part entière, toujours à la recherche d'une virtuosité surtout pas démonstrative et tournée vers la performance mais plutôt vecteur, subtil, de l'âme et de ses tourments.

C'est, au fond, l'histoire de deux atavismes portés comme des bénédictions-malédictions. Buckley avait hérité de la voix, l'une des plus belles que la pop ait engendrée, et du visage d'ange de son père Tim, qu'il n'avait que très peu connu. Tamino, lui, fut prénommé ainsi en référence au prince, musicien et magicien, de La Flûte enchantée de Mozart que sa mère écoutait en boucle, le genre d'assignation dont il faut être digne – son deuxième prénom Amir, qui donne son titre à son premier album, signifie "prince" en arabe.

Son du Nil

La comparaison s'arrête pourtant là, car le géant belge d'origine égyptienne, en dépit de ce cousinage évident assumé avec panache mais sans excès, officie sur des terres bien plus larges que l'auteur de Grace, qui évoquent Leonard Cohen (et ses plus brillants héritiers contemporains, tels les compatriotes belges de Balthazar), le vagabondage éthéré d'un Thom Yorke et d'un James Blake ou les compositions les plus planantes du groupe The National, autant qu'elles convoquent le souvenir d'une tradition égyptienne là encore atavique – le grand-père de Tamino était un célèbre musicien et acteur égyptien, surnommé le "son du Nil".

La musique de l'Anversois, si elle peut paraître, sur la longueur, se traîner comme un condamné qu'on mène à l'échafaud (ce qui n'est pas sans avoir son charme), fait de ce syncrétisme culturel un royaume aux frontières inédites et intrigantes dont on n'a pas fini d'explorer les reliefs. Et sur lequel ce prince de naissance règne en majesté et en grâce. Comme conscient et reconnaissant de la générosité des fées qui se sont penchées sur son berceau.

Tamino + Elia
À la Belle électrique mercredi 17 avril à 20h


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