Gontard : Isère, misère

Retour du chanteur Gontard avec "Gontard 2029", album concept à la forte résonance politique et portrait sans fard d'une ville en perdition – la sienne. Un disque qu'il présentera d'abord en live à la librairie les Modernes puis à la Bobine à l'occasion du festival itinérant initié par le label isérois Petrol Chips.


Ici d'ailleurs, label abritant des gens aussi précieux que Mendelson, Bruit Noir, Michel Cloup, Zëro, Les Marquises ou celui dont il va être question ici, est une bien belle maison, hautement recommandable, parmi les plus audacieuses du paysage musical hexagonal. Mais cette maison n'a rien d'un Brill Building (une référence dans l'industrie de musique populaire outre-Atlantique) à la française. Car ici, on n'a pas vocation à produire des tubes à la chaîne, calibrés pour se trémousser sur les playlists des radios commerciales ou ambiancer les rayons bio des hyper.

C'est sans doute pour cela que Gontard y est comme chez lui. Et comme en plus ici, on est ouvert sous des airs en colère, on partage volontiers ses artistes avec les confrères. C'est le cas pour Gontard 2029, album coproduit avec Petrol Chips, label sur lequel on retrouve quelques familiers du Dromois – Lomostatic, Depardon, Tara King Th...

L'enchaînement est rapide après le Tout naît/tout s'achève dans un disque (2018) mais les musiciens de sa trempe sont immunisés contre la "voulzyte" : ils produisent à mesure qu'ils fulminent, ils composent comme on sulfate, ils album-conceptualisent comme on suffoque. Et d'album-concept, il est ici question sur Gontard 2029, où l'on retrouve la verve politique, le lyrisme éteint et la poésie bitumineuse de Nicolas Poncet habillés d'une toute autre bure sonore.

« Foire à la con »

Bienvenue donc à Gontard-sur-Misère, 33 000 habitants et de la poussière, son maire ultra-droite, son Dauphiné Libéral, ses notables, ses écroulements, sa « foire à la con », son désespoir porté en sautoir... Une ville dont le décor « planté » comme une croix en ouverture n'est pas sans évoquer une ancienne capitale de la godasse qui aurait ajouté un M à son Isère.

Là, on suit les pérégrinations d'un chanteur de variétés aux abois (Chanteur de variétés) et même ses aboiements en talk-over désabusé, qui régurgitent la désagrégation sociale et les enragés de la start-up nation (Kevin Malez, La Fille de la Maison), la destruction des services publics (Hôpital tue) et la prédation libérale, les ambitions politiques à la petite semaine et les perspectives d'avenir constipées des figurants de la mondialisation (Prolétaires, 2029, Okay).

Gontard le répète souvent, comme il l'a fait en ces pages, il abhorre la tiédeur, qui permet à la violence d'avancer masquée, de caresser pour mieux frapper. Alors Gontard 2029 brûle les doigts et pique les yeux, chauffe les oreilles, écorche. Comme cette réalité qui, sous la plume du chanteur-travailleur social, fait toujours l'effet d'une glissade sans fin sur le béton, d'une corde qui s'échappe en fumant entre des doigts nus. 2029/2019 même combat, pas gagné d'avance.

Gontard
À la librairie les Modernes samedi 27 avril à 19h
À la Bobine vendredi 3 mai à 20h30 dans le cadre du Petrol Chips Festival


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