Cabaret frappé 2019 : mélange des genres

À la croisée de toutes les esthétiques et découvertes possibles (à commencer par les talents de la Cuvée grenobloise), le Cabaret frappé se livre à un autre mélange des genres que celui des styles musicaux, en proposant une programmation haut de gamme où la parité femmes-hommes est plus que respectée. Alors voilà ce que l'on pourra écouter chaque jour au Jardin de Ville de Grenoble.


Lundi 15 juillet

Pourquoi commencer doucement quand on peut d'emblée frapper fort ? C'est ce que semble nous dire le Cabaret cette année en son ouverture. Aux côtés du trip-hop local d'Aora Paradox, issu du cru annuel de la Cuvée grenobloise, le festival dégaine d'entrée ses deux plus grosses têtes d'affiche.

D'abord, Camélia Jordana, créature Nouvelle Star qui n'a jamais su choisir entre le versant populaire de la chanson et une liberté d'expérimenter à tout va (en témoigne son dernier disque sous le nom de Lost). Ensuite, la grande Neneh Cherry, carton jamais démenti des années 1990 toujours sur le pont après un long hiatus et quelques collaborations dans les années 2000 (CirKus, The Thing). À 54 ans, cette pionnière du hip-hop féministe a toujours autant la rage contre tous les impérialismes politiques, comme le prouve son dernier album Broken Politics, produit comme le précédent par le très pointu Four Tet.


Mardi 16 juillet

Après une soirée "femmes de tête", c'est la thématique "Québec freaks" qui semble marquer ce deuxième temps du Cabaret frappé. Lequel, avec la programmation d'Hubert Lenoir, n'aura sans doute jamais si bien porté son nom. Hubert Lenoir, c'est ce jeune type bien frappadingue qui invoque tout à la fois, le plus souvent en français et parfois en tutu (ou autres fanfreluches improbables), les fantômes de David Bowie et Prince. Le tout sans aucune retenue mais sans oublier de composer des morceaux dont l'exigence nourrit l'excentricité et qui font penser à un Pierre Lapointe glam-rock.

Plus sombre, un rien plus convenu, dans un style qui évoque Adele et surtout Amy Winehouse, Charlotte Cardin sera là le même soir. En ouverture, encore une goutte de Cuvée avec le duo électro CheerCake.


Mercredi 17 juillet

Ça commence grenoblois (vous avez compris le système depuis le temps) avec Beaux Tailleurs, puis ça vire carrément Voyou du nom de la sensation française de l'année, sorte de cousin pas lointain du tout d'un Flavien Berger croisé Pierre Vassiliu, auteur avec Les Bruits de la ville... d'une belle collection de pépites pop légères comme autant de bulles non pas de champagne mais d'Alka seltzer (oui, le médicament).

Suivront le beatboxer rennais et prodigieux Saro ; et 47Soul, probablement le seul groupe palestinien qu'il vous sera donné de voir cet été en festival et qui à travers son shamstep (un genre de dépoussiérage du dabke traditionnel en mode électro que n'aurait pas renié ce grand chercheur de Rachid Taha) véhicule l'âme de 1947, soit la dernière année de la libre circulation en Palestine. À ne pas rater.


Jeudi 18 juillet

Soirée 100% féminine ce jeudi. D'abord Okome, grenobloise tournée vers ses racines gabonaises, qui ouvrira le bal au croisement de la transe et de l'afro avant que la rappeuse anversoise Blu Samu ne vienne distiller son flow down tempo à la coolitude consommée.

Place ensuite à une grande dame, Mayra Andrade, qui, du haut de ses 34 ans à peine, a écumé tout ce que le monde du jazz compte de festivals avec son mélange de pop et de musique capverdienne – dont elle semble néanmoins s'affranchir de plus en plus, sans en délaisser l'atavique saudade. Autre (future) grande dame : Muthoni, chanteuse, percussionniste et rappeuse kenyane acoquinée avec deux beatmakers suisses au profit d'un mélange d'afrotrap et de dancehall grand agitateur de booty devant l'éternel.


Vendredi 19 juillet

C'est tous azimuts que le Cabaret frappé décline le rock pour cette soirée du vendredi. Avec pour commencer une double dose de grenoblois : Holy Bones d'abord, trio folk-rock porté sur les grands espaces américains dont nous vous avions présenté le premier album, Silent Scream, il y a peu ; les Cuvistes Melatonin ensuite, dans un genre rock à envolée.

La suite est confiée aux mains plus pop et psychédéliques du groupe toulousain I Me Mine et, surtout, à cette créature suisse plusieurs fois hybride connue, depuis une vingtaine d'années par les spécialistes, sous le nom de Puts Marie, entre rap, rock et blues, épure et lyrisme, rage rentrée et éructations salvatrices.


Samedi 20 juillet

Pour mettre un terme aux festivités cabaretières, voici probablement la soirée la plus éclectique de cette édition 2019. Avec d'abord la drôle d'électro-pop de Bleu Tonnerre mené sous la forme d'un collectif pluridisciplinaire par Sébastien José Dos-Santos, puis, deuxième rasade de Cuvée, le folk augmenté de Picky Banshees.

Virage à 180° ensuite avec le hip-hop canadien bien trempé, polyglotte et sono mondiale friendly de Nomadic Massive, avant de finir sur le mélange d'afro électro et de funk du quintette 100% féminin et international O'Sisters pour un grand moment, également très visuel, de girl power, en clôture d'un Cabaret à la forte empreinte féminine.

Cabaret frappé
Au Jardin de Ville de Grenoble du lundi 15 au samedi 20 juillet


<< article précédent
30 ans d’Europe avec les Rencontres du jeune théâtre européen