"Nevada" : remise en selle

De Laure de Clermont-Tonnerre (Fr-ÉU, 1h36) avec Matthias Schoenaerts, Jason Mitchell, Bruce Dern…


Détenu asocial et mutique, enfermé dans sa colère et sa douleur, Roman arrive dans une prison du Nevada où sa juge le convainc de participer à un programme visant à dresser des mustangs. À leur contact, l'indomptable Roman renoue avec lui-même. Et les autres.

Premier long-métrage d'une remarquable maîtrise, Nevada se révèle économe en mots, mais en dit long sur nombre de sujets connexes : d'une part, la situation carcérale, l'aménagement des longues peines, le travail de réinsertion des détenus ; de l'autre, la condition sociale et familiale de ceux qui ont été condamnés. Ces gens au col plus bleu que blanc payent parfois toute leur existence le prix d'une micro-seconde d'égarement – inutile d'insister sur la responsabilité du deuxième amendement garantissant le droit de porter une arme aux États-Unis, où se déroule le film.

Si Nevada limite le dialogue, la réalisatrice Laure de Clermont-Tonnerre préserve cependant de l'espace et du temps afin que les spectateurs assistent à un groupe de parole de prisonniers durant lequel chacun explique pourquoi, et depuis quand, il est là. Non pour les juger (ils l'ont déjà été) ; simplement pour prendre la mesure de certaines disproportions entre l'acte et la punition. Où sont les circonstances atténuantes ? Où est la réhabilitation ?

Tout en animalité, rappelant le rôle-titre de Rundskop (2011) qui l'avait révélé, Matthias Schoenaerts incarne cette métamorphose rédemptrice au contact d'êtres en apparence plus sauvages que lui, et qui le renvoient à une socialisation. Ainsi qu'à la réconciliation : en domptant les chevaux, Roman affronte les ruades de son propre passé et va se saisir de la longe tendue par sa fille. Parsemé de plans purement poétiques (tel le système de cantinage clandestin, digne de Bresson), ce film s'achève par un dénouement d'une redoutable ambiguïté puisqu'il fusionne conclusions optimiste et pessimiste. Laure de Clermont-Tonnerre est d'ores et déjà une cinéaste à suivre au galop.


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