"Bixa Travesty" : je m'aime moi non plus

De Kiko Goifman & Claudia Priscilla (Bré, 1h15) documentaire


« Pédale travestie. » C'est ainsi que se proclame avec fierté Linn da Quebrada, vedette brésilienne de la scène musicale LGBT dont les textes volontiers provocateurs affirment la différence et les préférences. Au-delà des shows, Linn raconte dans son intimité sa vie : un combat gay et gai.

« On ne naît pas femme, on le devient. » Linn démontre combien la phrase de Simone de Beauvoir est exacte appliquée à son cas, dans la mesure où elle poursuit dans un empirisme globalement joyeux sa construction vers son identité féminine alors qu'elle est née dans un corps de garçon. À l'aise dans son groupe, très complice avec sa mère, Linn effeuille quelques anecdotes en compagnie de ses proches, révèle sans pudeur un événement médical de son passé récent… Affable et extravertie, l'artiste a été depuis longtemps filmée ; les cinéastes disposent donc d'un riche matériel pour documenter ce qui s‘apperente à un manifeste biographique.

On pourra toutefois s'étonner qu'il n'aient placé dans ce portrait "affirmatif" (c'est-à-dire revendiquant envers et contre tout le choix d'une identité) aucune réelle figure d'opposition, aucune matérialisation d'une menace ou d'une hostilité extérieure. Il ne s'agit pas de faire dans la recherche du clash ni l'exhumation d'hypothétiques agressions passées dont Linn aurait été victime, mais tout de même : la situation brésilienne actuelle (où le chef de l'État d'extrême droite conteste le fait que l'homophobie soit reconnue comme un crime) appelait à une contextualisation plus marquée. Privé de cette inscription spatio-temporelle, Bixa Travesty passe davantage pour une revendication individuelle auto/homo/érotique que pour une déclaration sociale et politique.


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