"Marinus, photomontages satiriques 1932-1940" : le poids des mots, le choc des collages

Récemment exhumé des oubliettes de l'Histoire, le génial photographe et journaliste danois Marinus a réalisé dans les années 1930 de nombreux photomontages satiriques pour la presse française. Le Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère lui consacre une exposition qu'on ne peut que vivement vous conseiller !


Un peu de factuel pour commencer. Originaire du Danemark et installé en 1909 à Paris, Marinus (1884-1964) collabore dès 1932 avec l'hebdomadaire parisien Marianne (rien à voir avec celui que l'on connaît) pour lequel il produit, jusqu'en 1940 et la fermeture forcée du journal, de nombreux photomontages. Soigneusement élaborés, ces collages témoignent de manière éloquente de la progressive "montée des périls" dans l'Europe de l'entre-deux-guerres. Marinus porte un regard corrosif sur l'actualité politique de son époque, tourne en dérision le nationalisme des uns et dénonce la passivité des autres.

En faisant le choix judicieux de présenter les "unes" originales du journal, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère nous permet de contextualiser ces photomontages. Et complémente chacun d'eux par une notice qui éclaircit très simplement des situations politiques parfois complexes. Deux montages originaux permettent toutefois de se rendre compte de la technique de collage et de retouche picturale de Marinus que les procédés de reproduction contribuaient à homogénéiser.

Jeu diplomatique

Il y a dans l'art de Marinus des manières récurrentes d'évoquer l'actualité et les personnalités politiques qui la façonnent. Le personnage d'Hitler est ainsi représenté à de nombreuses reprises comme un illuminé hanté par un imaginaire belliciste revanchard : on le voit par exemple inséré dans un tableau représentant Napoléon, ce dernier le traitant de « Jean Foutre », tandis que dans un autre montage, allongé devant un charnier prophétique, la mort apparaît comme sa « dernière alliée ». Parfois, au contraire, il est représenté comme un abruti réjoui, presque sympathique, retapissant la carte du monde ou manipulant Mussolini comme un pantin.

Car avec Marinus, les dirigeants de l'époque étaient souvent croqués comme de grands enfants passant leur temps à jouer : aux cartes, aux échecs, aux équilibristes… Un équilibre qui ne va malheureusement pas durer et basculer dans le désastre que l'on sait.

Marinus, photomontages satiriques 1932-1940
Au Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère jusqu'au lundi 21 octobre


<< article précédent
"Bixa Travesty" : je m’aime moi non plus