"Bien urbain" : Julien Berthier, délicieusement absurde

Julien Berthier fait de l'art avec n'importe quoi, et d'ailleurs il n'appelle pas forcément ça de l'art. Pour lui, ce qui compte, c'est le geste et ce qu'il provoque. "Bien urbain" est donc une exposition aussi conceptuelle qu'absurde à découvrir au Centre d'art Bastille.


L'exposition commence fort avec une œuvre qui concilie vandalisme et réflexion sur la nature de l'art. Une photographie nous montre un gigantesque slogan publicitaire dont on a arraché un morceau. On y lit désormais "Making Thievery [...]  art" (faire du vol un art) à côté d'un logo pour un fabricant de portes blindées. Le morceau manquant de l'affiche est quant à lui réellement présent, à côté, dans l'exposition : il y est écrit "a lost".

Une perte donc, et c'est bien ce qu'il est pour la publicité en question dont le sens détourné prend tout le sien au service de l'œuvre – puisque c'est bien le vol qui fait "œuvre". Voilà typiquement un acte minimal qui convoque des niveaux de lecture conceptuels aussi réjouissants que multiples !

Prélèvement urbain

Cette pratique du prélèvement est récurrente chez Julien Berthier, artiste français né en 1975 qui interroge les porosités entre public et privé. L'installation-sculpture produite spécialement pour le Centre d'art Bastille est tout à fait dans cette veine. Il s'agit d'un immense rocher factice, copie de celui sur lequel, dans Le Voyageur contemplant une mer de nuages, tableau emblématique de l'art romantique de Caspar David Friedrich (peintre allemand du début du XIXe siècle), un homme seul fait face à l'immensité d'un paysage montagnard complètement fantasmé – donc factice également. Ici, c'est l'urbanisation grenobloise que nous invite à contempler ce promontoire sur lequel on peut grimper et dans lequel est fixé un réverbère typique de l'environnement urbain parisien.

Adepte des renversements, Julien Berthier présente également une ampoule qui, le culot percé et tourné vers l'extérieur, restitue la lumière du soleil couchant ; ainsi qu'un étrange piédestal fixé au mur à la manière d'un tableau, duquel sont diffusés des sons qu'il a enregistrés d'un maillet frappant des sculptures dans l'espace public. Il compense ainsi la relative invisibilité de ces œuvres qui "décorent" nos espaces urbains en leur donnant une nouvelle "sonorité". Bien absurde, on vous dit !

Bien urbain
Au Centre d'art Bastille jusqu'au dimanche 1er septembre


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