"Vous êtes jeunes, vous êtes beaux" : battling vieux

De Franchin Don (Fr., 1h40) avec Gérard Darmon, Josiane Balasko, Patrick Bouchitey…


À 73 ans, Lucius (Gérard Darmon) se sait condamné à brève échéance. Mais il a encore du jus. Alors, quand on lui propose contre un petit pactole de participer à des combats clandestins entre "vieux", il accepte. Pour se prouver qu'il existe encore. Ou pour sa chère Mona (Josiane Balasko), qui sait ? 

Inutile de frapper la viande pour attendrir. La preuve avec ce premier long-métrage de Franchin Don aux lisières de la série blême et du surréel onirique lynchéen, dont la stylisation extrême s'ajoute à un propos fort ainsi qu'à une interprétation solide. Or, si c'est un plaisir de retrouver Josiane Balasko déployant ce registre dramatique qu'elle a déjà offert à Guillaume Nicloux ou François Ozon, voix basse et gravité à fendre les pierres, tout comme Patrick Bouchitey en clown épuisé et Denis Lavant en meneur de jeu méphistophélique, il est plus surprenant de voir Gérard Darmon distribué dans une "non-comédie" – et qui plus est, au premier rôle. Quel dommage que les cinéastes n'aient pas l'imagination de Franchin Don, car Darmon se révèle aussi brillant que touchant dans cet emploi sacrificiel rappelant à bien des égards le Wrestler d'Aronofsky. La confidentialité de cette production risque de l'empêcher de briguer le parallélépipède doré – concourir pour les César n'est pas donné à tout le monde.

Portrait d'une société cynique, vénale et dépourvue de compassion (en d'autres termes, la nôtre chargée de quelques heures supplémentaires de virtualité anesthésiante), ce Fight Club version Ehpad distille une sourde inquiétude souterraine (à l'instar des combats qu'enchaîne Lucius ) au milieu de l'indifférence festive de néo-yuppies inconscients de la métaphore. Et surtout de la mise en garde qu'elle représente pour leur future personne. Une réussite esthétique et artistique. Poings à la ligne.


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