Les esprits du lieu

"Dancing Ghosts", proposition de parcours faite par Thomas Teurlai pour le Centre d'art Bastille,  transforme le lieu d'exposition en une étrange caverne possédée par les esprits. On conseille à celles et ceux qui veulent apprécier pleinement l'expo (et ça vaut le coup) de ne pas lire cet article !


Quand une installation conçue pour un lieu est bien ficelée, il est parfois difficile pour le journaliste d'en parler, tant on aimerait que le lecteur potentiel futur visiteur puisse en profiter aussi vierge que nous ! C'est bien le "problème" avec la proposition faite par Thomas Teurlai, artiste né en 1988 à Meaux qui, en trois œuvres et quelques interventions, transforme le Centre d'art Bastille en un antre inquiétant dont les esprits malins auraient pris possession.

Imaginez : des planches hâtivement cloutées occultent les fenêtres ; une basket tournoyante émet un son continu et sourd ; plus loin, une platine vinyle sur laquelle s'écoule continuellement de l'eau est suspendue dans une cabine de douche éclairée par un stroboscope dont l'agressive lumière fait écho aux sonorités angoissantes générées par le dispositif…

Pièce maîtresse

Mais c'est au cœur du parcours que se dévoile la pièce maîtresse : sur des étagères métalliques sont installés des rouleaux sanglés dont on devine qu'ils sont l'accumulation de multiples strates de graffitis décollées de leur mur d'origine. On évolue ainsi dans une archive improbable dédiée à cette pratique urbaine non-institutionnelle, souvent éphémère – autrement dit, l'inverse de ce qu'on l'a l'habitude d'archiver. L'installation, plongée dans une semi-obscurité, fait basculer le visiteur dans une fiction aux mille possibles résonnant avec l'histoire militaire du lieu – ces immenses rouleaux sur ces étagères pouvant évoquer, au choix, des stocks de munitions ou des duvets entassés dans une literie spartiate.

Comme une sorte de bonus, la "project room" qui accueille Laura Villena et Fabien Viola, deux jeunes étudiants fraîchement sortis de l'école des Beaux-Arts de Grenoble, prolonge assez judicieusement l'exposition de Thomas Teurlai en plongeant le spectateur dans une ambiance archéologico-abyssale de fin du monde. Rien que ça, oui.

Thomas Teurlai
Au Centre d'art Bastille jusqu'au mercredi 5 janvier


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