Mois de la photo : l'image dépasse les frontières

Avec pas loin d'une trentaine d'artistes exposés essentiellement à Grenoble, le Mois de la photo, organisé par la Maison de l'image, prend des allures de marathon photographique. Comme à son habitude, l'Ancien Musée de peinture accueille jusqu'au 24 novembre l'exposition principale, avec comme invité d'honneur le photographe allemand Kai Wiedenhöfer.


Géographiques, politiques, psychologiques, sociales, culturelles… Pour cette 7e édition, le Mois de la photo décompose les différentes nuances du thème « murs et frontières » pour rendre hommage au 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin. Dans l'Ancien Musée de peinture, le parcours d'exposition commence avec la carte blanche, dédiée cette année à l'Ukraine, qui confronte les regards de deux photographes, à travers deux séries de portraits de populations “en marge” de la société. Face aux clichés colorés de Yurko Dyachyshyn présentant des gitans ukrainiens de Pidvynogradiv dont les sourires dévoilent des dents en or - signe de richesse et d'un rang social élevé au sein du groupe -, Alexander Chekmenev met quant à lui en scène des personnes sans-abris à travers des images sobres, touchantes et empreintes d'une certaine gravité, tout en jouant sur le contraste clair-obscur (coucou Caravage).

L'exposition se poursuit ensuite avec les cinq lauréats de l'appel à photo, qui abordent chacun à leur manière la notion de frontière. Très en prise avec l'actualité, Jeremy Samuelson a photographié des prototypes de murs commandés par l'administration Trump à travers la barrière en acier déjà existante côté Mexique. Une mise en abîme graphique légendée avec le coût exorbitant de ces prototypes, qui fait ressortir l'absurdité de la situation et questionne la symbolique du mur. Autre série intéressante, celle de Verena Andrea Prenner. Elle dépeint des chauffeurs de taxi palestiniens, dont les conditions de travail et de vie se sont fortement dégradées depuis la construction du mur en 2002, de manière assez burlesque (ils portent des costumes ressemblant à des animaux fabriqués à partir de déchets). Jolie réussite également : les clichés très graphiques en noir et blanc de David Siodos interrogeant le rôle des périphériques – censés faciliter les déplacements mais instaurant une certaine rupture au sein des territoires –, prises avec des filtres en plexiglas parfois rayés, donnant aux images une dimension expressionniste.

Mur sur mur

La visite s'achève avec les photographies panoramiques de taille impressionnante du photojournaliste allemand primé de nombreuses fois, Kai Wiedenhöfer, qui capture avec son objectif les murs frontaliers à travers le monde depuis la chute du mur de Berlin. Belfast, Israël et Palestine, Chypre, Mexique et États-Unis, deux Corées… Ses clichés à visée documentaire collés sur les murs du musée sont assez esthétiques mais peut-être parfois un peu trop lisses pour souligner à sa juste mesure son engagement prononcé contre l'érection de ces parois : selon lui, ces dernières ne sont pas « une solution aux problèmes politiques et économiques » actuels mais davantage « la preuve des faiblesses et des erreurs humaines, de l'incapacité des êtres humains à communiquer les uns avec les autres » (Kai Wiedenhöfer, catalogue de l'expo).


Et ailleurs…

Qui dit marathon photographique, dit éventail d'expositions. En dehors de l'Ancien Musée de peinture, de nombreux lieux dans Grenoble et l'agglomération accueillent également des expositions autour du thème « Murs et frontières ». Toutes n'étant pas encore visibles au moment où nous avons écrit cet article, nous avons retenu l'une d'entre elles. La galerie de l'École supérieure d'art et de design de Grenoble expose ainsi quatre artistes italiens. Dépourvues de présence humaine et assez graphiques, les photos de Valter Iannetti présentent la transformation de la zone urbaine et du paysage dans la ville frontière de Breuil-Cervinia située entre l'Italie et la Suisse. Autre découverte sympa, Roberto Venegoni donne à voir avec ses clichés des paysages de la vallée du Pô avec comme fil conducteur le brouillard. Dans ses images, le regard est d'abord accroché par un élément humain au premier ou deuxième plan (panneau, maison, poteau, etc.), puis bloqué par le brouillard en arrière-plan. Mystique.

Le Mois de la photo
A l'Ancien Musée de peinture et dans d'autres lieux de l'agglo, jusqu'au 24 novembre


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