La Cinémathèque en mode épique avec "Cartouche" de Philippe de Broca et "Ran" d'Akira Kurosawa


Inattendues, certaines contiguïtés de programmation n'en sont pas moins heureuses. Prenez celle de la Cinémathèque qui voit se succéder Cartouche de Philippe de Broca et Ran d'Akira Kurosawa. A priori, il n'y a rien de commun entre une trépidante comédie d'aventures  se déroulant sous la Régence et une transposition du Roi Lear dans le Japon médiéval ; guère de similitudes entre le ton volontiers enjoué du récit des exploits d'un facétieux brigand amoureux (idéalement campé par Bébel) et la gravité hiératique des tourments déchirant une famille de seigneurs nippons. Pourtant, à bien des égards, ces deux films se rejoignent, voire se répondent.

Par le drame, tout d'abord : s'il affleure dès l'ouverture dans Ran, avec ses convoitises et ses vengeances claniques lorsque le vieux chef décide de partager son empire, il surgit de manière plus surprenante dans Cartouche, nimbant soudainement d'un voile funèbre ce qui ressemblait jusqu'alors à une course-poursuite bon enfant entre gens d'armes et voleurs.

Mais surtout par leur art de l'épopée, dont les deux cinéastes seront toute leur carrière de grands spécialistes, bien qu'ils en explorent des versants différents. Adepte d'une forme de grâce et de légèreté, porté par une partition galvanisante de Georges Delerue, De Broca excelle dans ce film de cape et d'épée où la conquête d'un sourire constitue la suprême récompense. De son côté, Kurosawa fait monter la tension pour arriver à un climax fascinant de violence flamboyante et symbolique. Enfin, les deux réalisateurs se retrouvent dans leur amour pour la couleur, dont ils subliment l'éclat en jouant sur la vivacité de teintes primaires. Comme il est impossible de choisir entre flèches, katana et rapière, venez aux deux séances…

Cartouche & Ran
Au Cinéma Juliet-Berto dimanche 24 novembre à 16h30 et lundi 25 à 20h


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