Jean-Louis Murat : Stakhanov à la Bourboule

Á peine livrés les actes de son séminaire scénique post-"Il Francese", Jean-Louis Murat reprend du service live comme pour teaser l'avènement de sa future production, troisième volet promis d'une trilogie du pas de côté entamée avec "Travaux sur la N89", sans doute déjà dans les tuyaux.


On connaît la verve impatiente du Stakhanov arverne. Mais au vrai, si elle n'étonne plus personne, elle épate toujours un peu. Comme fascine le torrent ininterrompu de sève poétique débordant par tous les temps les flancs offerts à la muse de cet incorrigible graphomaniaque, seul véritable specimen d'authentique artisan capable d'aligner sa production dans des proportions industrielles.

Le tarif est immuable : un album par an les années ingrates, deux quand les semailles ont été généreuses et le tempérament clément. Cette année, à peine avait-il entamé la tournée consécutive à la publication d'Il Francese, deuxième étage d'une fusée exploratrice dont le premier lancement - un Travaux sur la N89 à la facture destructurée, éparpillée, expérimentale jusqu'à la désinvolture, forcément deconcertant - que le passant du (Mont) Sans-Souci en livrait une capture live immortalisée au Toboggan de Décines : Innamorato.

Où, dans une dérive tout neilyoungienne, supportée par la complicité de l'hydre Jimenez-Reynaud, bassiste et batteur rompus aux circonvolutions du patron, s'épanouissait le meilleur de cet album à cheval sur l'Histoire et le ratissage post-moderne, fantasmes italiens et souvenirs américains.

Quelque chose plutôt que rien

Murat bien sûr, en plus d'un Je m'en souviens ritalisé a capella, y saupoudrait d'autres hauts faits : l'hypnotique Il Neige, en descente de Toboggan (l'album cette fois) et l'épique Les Jours du jaguar, période Lilith. Suffisant ? Non pas pour cet anti-Bartleby pyromane de tout bois : proclamation faite sur le titre étendard (Autant en faire quelque chose) et certifiée par ses chroniques musicales du mouvement des gilets jaunes dont les épisodes sont consultables sur jlmurat.com.

Ainsi trouvait-on en queue de comète live, quatre inédits en phase avec son intérêt récent pour les ondulations électroniques de l'innovation r'n'b (une inclination gourmande pour Frank Ocean et Kanye West), où comme les alt-countrymen de Lambchop sur leurs dernières productions, Murat s'abandonne à l'auto-tune (Ben) et combine ce nouveau son à sa pratique du rhythm 'n' blues originel (Coeur d'hiver, Par toi-même hideux) raccrochant ainsi en équilibriste les wagons live de ce convoi qui, pour paraître faussement bancal, dit tout de l'Auvergnat : irrécusable bluesman retenu par ses racines, en promesse constante de nouvelles pistes à ouvrir.

Là, probablement, faut-il trouver matière à tracer les futurs contours du prochain Murat, sans doute déjà sur le métier.

Jean-Louis Murat + Bleu Tonnerre
Á la Source, jeudi 21 novembre à 20h30


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