"Héritiers" : famille d'écueils par Nasser Djemaï


Nasser Djemaï est un artiste multicasquettes (auteur, metteur en scène et comédien) passionnant que l'on prend plaisir à suivre depuis le début de sa carrière entamée à Grenoble il y a une quinzaine d'années. Au fil de ses propres créations, il propose un théâtre ancré dans le réel, au plus proche de notre monde contemporain et de ses enjeux – il met par exemple souvent en scène des personnages immigrés ou issus de l'immigration, interrogeant ainsi finement la notion de construction identitaire. Pour sa sixième pièce tout juste créée à la MC2, il a quelque peu déplacé son regard en s'intéressant à une jeune trentenaire empêtrée dans des questions d'héritage ; d'où le titre Héritiers et cet astucieux décor d'immense maison bourgeoise. Mais a malheureusement perdu en pertinence.

Car malgré une note d'intention (distribuée en salle) plus qu'explicite (« L'idée est qu'après notre propre mort vient celle de nos traces »), les tenants et aboutissants du texte deviennent confus au fil de la représentation, Nasser Djemaï ayant fortement chargé la barque de son récit comme s'il devait impérativement produire un discours exhaustif sur notre époque – sur le pragmatisme mortifère de nos vies, sur l'argent qui pervertit tout, sur les bobos tellement ridicules avec leur gluten… On peine alors à s'intéresser aux histoires individuelles de chacun de ses personnages simples vecteurs de discours (certains étant de surcroît dessinés et interprétés à la hache), et notamment au sort du principal, dévoré par sa famille. Dommage, même si paradoxalement cette volonté qu'a eue Nasser Djemaï d'agrandir son univers est pleine de promesses.

Héritiers
À la MC2 jusqu'au vendredi 22 novembre


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