Femmes dans la tourmente

Plus que de simplement s'intéresser au sort des femmes pendant la Seconde Guerre mondiale, l'exposition "Femmes des années 40" au musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère nous donne leur point de vue. Un parcours historique, aussi passionnant que nécessaire !


Cet automne, les femmes sont à l'honneur dans les musées départementaux. Après Rose Valland au musée dauphinois et Vivian Maier au musée de l'Ancien Évêché, voici que le musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère nous invite à nous pencher sur leur vie et leur rôle pendant la seconde Guerre mondiale. Souvent perçue comme une affaire d'hommes, cette guerre a en effet largement concerné les femmes, ce que le parcours chronologico-thématique de l'exposition a le mérite de mettre en avant à travers quatre sections : "Vivre et survivre", "Résister et combattre", "Les femmes déportées", "Les femmes et la Libération".

L'exiguïté de l'espace d'exposition temporaire ne permettant pas de tergiverser, le visiteur est immergé, dès le début du parcours, dans une cuisine vintage foisonnante de documents propices à révéler l'esprit d'une époque. On décernera la palme à l'affiche de l'Union française pour le suffrage des femmes qui nous rappelle qu'en 1940, à l'instar des voleurs et des assassins, elles n'avaient alors pas le droit de vote. Cela donne une idée de la considération qui leur était portée et de la place qui était la leur dans la société française !

Débrouille et créativité

Historiques autant qu'instructifs, parfois drôles ou consternants, les documents exposés témoignent, dans la première partie, des rôles alors dévolus aux femmes, écartelées entre différentes injonctions contradictoires (ce qui n'a pas fondamentalement changé). Une affiche de propagande clame que « donner la vie engendre la joie » (et permet, accessoirement, de fournir de futurs soldats à l'armée française), tandis que le départ des maris oblige à travailler comme ouvrières et que les magazines enjoint les femmes, malgré tout, à assurer un minimum d'élégance.

À ce sujet, plus loin, une robe taillée dans du linge de maison, un sac fait de lanières de cuir récupérées ainsi que des chaussures en semelle de bois articulées attestent d'un sens certain de la débrouille et d'une créativité stimulée par la pénurie. Dans sa seconde partie, le parcours nous fait découvrir les engagements et les combats des femmes durant la Seconde Guerre mondiale. L'exposition consacre un panneau aux collaborationnistes et une galerie de portraits aux résistantes dont le parcours remarquable nous est raconté sur des cartels. Pour ceux qui préféreraient lire tout cela confortablement assis dans un fauteuil, le musée vient de publier un livre consacré à Rose Valland. Un second, dédié à Marguerite Gonnet, sortira le 8 mars, journée mondiale des droits des femmes.

La parole des femmes

L'une des forces de l'exposition est de donner, à plusieurs reprises et grâce à des entretiens vidéo, une place importante aux témoignages des femmes elles-mêmes. Dans la première partie, l'une d'entre elles témoigne de la vie en l'absence de son mari fait prisonnier, père d'un enfant qu'il n'a pas vu grandir, tandis que la dernière section vibre particulièrement des témoignages de femmes déportées. Une parole nécessaire,   ramenant à la triviale réalité de ce cauchemar que certains tentent aujourd'hui de minimiser…

Autre sorte de cauchemar, les séances d'humiliation subies à la Libération par les femmes accusées d'avoir eu des relations avec l'occupant. Un film tourné à Voiron en témoigne : dans un relent moyenâgeux nauséabond, ces femmes servent de bouc émissaire à des foules de Français enfin délivrés de cinq ans de persécutions. Enfin, l'exposition s'interroge sur les droits accordés aux femmes à la sortie de la Guerre, au premier rang desquels figurent le droit de vote et la possibilité de s'engager en politique. Ces derniers témoignages vidéo ouvrent le propos et rappellent aux jeunes générations la nécessaire vigilance à avoir quant à l'acquisition de certains droits qui pourraient rapidement être mis en péril. Résistons donc !

Femmes des années 40
Au musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère, jusqu'au 18 mai 2020


Demandez le programme !

Projections de films, ateliers philo, représentations théâtrales, concerts ou encore « cabarokés », le musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère déploie tout un arsenal d'activités culturelles autour de l'exposition Femmes des années 40. Difficile de ne pas y trouver son compte ! Parmi ces propositions, nous retiendrons, début décembre, des visites thématiques couplées avec l'exposition Picasso du Musée de Grenoble qui permettront de mettre en écho la vie des femmes pendant la guerre avec celle des proches de Picasso. Le 25 janvier, un atelier philo nécessaire pour les 6-11 ans autour de la question « Être une fille, c'est quoi au juste ? » - ça vaudrait peut-être le coup d'y inscrire quelques adultes !

Le 5 février sera projeté, en présence du réalisateur Antoine Vitkine, son film documentaire sur la personnalité complexe de Magda Goebbels, épouse du fameux ministre de la Propagande du Troisième Reich, femme émancipée et fanatique qui empoisonnera ses six enfants avant de se donner la mort en 1945. L'exposition sera également ponctuée par le lancement de plusieurs ouvrages dont celui consacré à la Résistante Marguerite Gonnet, ainsi que le tome 5 de la BD Irena qui donnera lieu à une séance de dédicace suivie d'un BD-concert. Enfin, sont à noter plusieurs projections de films : La femme au tableau et Le train en partenariat avec la Cinémathèque et le Musée dauphinois, ainsi que le tout récent (et réussi) Les hirondelles de Kaboul qui nous invite à penser le sort des femmes dans des guerres toutes contemporaines.


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