L'Adieu (The Farewell)

De Lulu Wang (É-U-Chi., 1h41) avec Awkwafina, Tzi Ma, X Mayo…


Vivant à New York, Billi apprend qu'on a diagnostiqué un cancer incurable à sa grand-mère en Chine sans le lui annoncer. Pire : la diaspora familiale prétexte un mariage au pays pour lui faire ses adieux. Arrivée sur place, la jeune femme hésite à révéler à son aïeule la réalité de son état…

Éternel débat philosophique, l'interrogation "toute vérité est-elle bonne à dire ?" trouve une nouvelle vigueur dans ce film partiellement autobiographique, puisqu'il est « inspiré d'un mensonge authentique ». Car il ne s'agit pas ici seulement d'un problème de casuistique taraudant Billi, ni de la supposée lâcheté de sa parentèle, encore moins d'une omission visant à ne pas miner psychologiquement la malade, mais d'une combinaison de ces différents éléments, complexifié par deux paramètres supplémentaires : le hiatus générationnel, ainsi que le fossé culturel entre l'Orient et l'Occident – que Ang Lee a jadis dépeint dans Garçon d'honneur (1993). En effet, ce qui est donné pour juste ou légal dans le pays où Billi a construit sa vie et s'est imprégnée de morale culpabilisatrice protestante n'a pas la même valeur en Chine où prévaut encore le respect inconditionnel de l'ancêtre.

Écartelée entre ce qu'elle pense juste et la fidélité aux siens, Billi se trouve en sus désarçonnée par le gigantisme et la métamorphose de la Chine (une constante dans le cinéma actuel) autant que par l'imprécision de ses souvenirs. En cela, le film évoque le récent Kore-eda, précisément titré La Vérité, scandé par l'antienne : « On ne peut se fier à sa mémoire ». Ce trouble entre deux âges, deux sociétés, en dit long sur l'instabilité voire l'insécurité des vingtenaires-trentenaires et leur difficulté à s'affirmer aujourd'hui : où peuvent-il se situer ? Là non plus, il n'y a pas de réponse…


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"Merveilles à Montfermeil" : corbeille et somme