Bach du côté intime

Son amour de la musique et un beau film du duo mosellan Straub / Huillet lui ont donné l'envie, à son tour, d'évoquer la vie de la seconde épouse du grand compositeur allemand. La metteuse en scène Agathe Mélinand revient à la MC2 et c'est une bonne nouvelle.


Sur la scène, trois femmes qui en jouent une et, pour les accompagner, un homme qui en incarne plusieurs. Avec eux, incontournables : un clavecin, un piano et un clavicorde, leurs complices, les instruments de leur art. Christine Brücher et Fabienne Rocaboy, comédiennes, Marie van Rhijn et Charles Lavaud, musiciens : à eux quatre, ils forment l'une de ces belles familles d'artistes que l'on est ravi, sinon d'intégrer, au moins d'observer à l'œuvre.

Agathe Mélinand a eu l'excellente idée de les rassembler autour de sa nouvelle pièce : Le Petit Livre d'Anna Magdalena Bach s'inspire du film presque éponyme du tandem Jean-Marie Straub / Danièle Huillet (1968), mais avant tout et « très librement » d'un Notenbüchlein offert par le compositeur allemand à sa seconde épouse.

Une vie en musique

Que trouve-t-on dans cet ouvrage de 1725 ? Une cinquantaine de morceaux et Quelques règles très importantes concernant la basse continue signées de la main même du cantor. Petit à petit, au fil des années de vie partagées entre Anna Magdalena et Jean-Sébastien, ce cahier de musique va s'enrichir de nombreux ajouts proposés par l'ancienne cantatrice, son époux ou leurs enfants. Un témoin d'autant plus touchant d'un temps révolu qu'à la fin de la vie du maître, l'écriture de sa femme et la sienne semblent se confondre. Exception faite de quelques fautes d'orthographe...

C'est donc bien une vie « en musique » que la pièce d'Agathe Mélinand souhaite évoquer, à défaut de pouvoir la raconter jusqu'à son moindre détail. Nous n'en avons entendu que quelques minutes, moins d'une semaine avant la première : l'excellence de l'interprétation musicale venait alors sublimer la grande beauté des textes et la qualité d'interprétation générale des comédiens réunis sur le plateau. Mieux : la belle sobriété de cette nouvelle création de la MC2 se fondait alors au plus juste dans l'intimité d'une salle à la jauge relativement limitée. Face à un public attentif et nombreux, il est probable que cette esthétique de la scène fera merveille ! En une heure chrono, l'intention d'Agathe Mélinand est aussi de s'adresser à tous les publics, jusqu'aux enfants d'une dizaine d'années. Il n'est pas nécessaire de connaître son Bach par cœur : la pièce devrait à tout le moins donner la mesure de son génie. En outre, la dramaturge entend parvenir à démontrer une chose pas forcément évidente aujourd'hui : sa relation avec Anna Magdalena était aussi une histoire d'amour. Une histoire de joies et de peines : seuls six des treize enfants que le couple eut ensemble atteignirent l'âge adulte. Fort heureusement, la musique adoucissant les mœurs, on est en droit d'espérer que notre joie demeure…  

Le petit livre d'Anna Magdalena Bach
Á la MC2 jusqu'au vendredi 31 janvier      


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