Des hommes qui tombent


Énigmatique, cryptique, sec comme un coup de bec, de plus en plus le verbe belinien semble évoluer vers l'abstraction, un far west d'épure et de chanson à l'os qui affronte la réalité comme le pic vert attaque l'arbre, à coups répétés et millimétrés.

Persona, où Bertrand Belin démontre à quel point son "parler fou" est le langage de la lucidité, se nourrit ainsi d'une logique implacable pour déciller les aveugles.

Le terme Persona est multiple : Bergman et ce film où une femme parle pour une autre ; masques des acteurs des tragédies antiques et aujourd'hui, ô cynisme, typologie marketing d'acheteurs fantasmés, que le marché tient dans son viseur.

Belin se glisse ainsi dans la peau de persona, pour mieux boire leurs déboires et en recracher la glossolalie navrée et ironique. Hommes qui vacillent (Sur le cul, De corps et d'esprit), travailleurs pauvres aux reflets jaunes (Camarade), personnages au bord de la rupture ou en chute très libre (sublime Glissé redressé).

Mais dans ce petit théâtre de la désolation où s'annonce « un été de canadair, de ciel embrasé », l'ubiquiste Belin quitte parfois la subjectivité alter pour surplomber son monde tel un oiseau de proie à l'œil rapace, à l'ouïe infaillible (« Je vois tout, j'entends tout ») et au hululement obsessionnel, pointant « la vérité nue », et « au premier rang, le président », roi tout aussi nu. « Petit à petit l'oiseau fait son bec », constate Belin, et, dans une forme qui élague, fait remonter le fond à la surface.

Bertrand Belin
A la MC2 mardi 4 février, à 20h30


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