Anti-exotisme

Originaire de Guadeloupe, l'artiste Minia Biabiany investit l'espace d'exposition du Magasin des horizons avec une installation portée par ses réflexions sur l'identité guadeloupéenne et son histoire. Étonnant, sobre et poétique.


Lorsqu'elle arrive à Lyon pour ses études supérieures, Minia Biabiany réalise la méconnaissance qu'elle a de sa propre histoire, celle de la Guadeloupe. Méconnaissance qui se confronte à l'ignorance que les Métropolitains ont des territoires d'outre-mer. Il lui apparaît alors que l'incompréhension des questions qui la taraudent et à la hauteur de la volonté d'oubli imposé par la culture métropolitaine. « Je prends alors conscience que la question coloniale me traverse depuis des années et je décide de m'armer intellectuellement », explique-t-elle. Elle se plonge alors dans les écrits des penseurs antillais comme Aimé Césaire ou Édouard Glissant et s'interroge : « Comment amener ces questions dans mon travail par la matière ? » L'installation au Magasin des horizons, intitulée J'ai tué le papillon dans mon oreille, est une possibilité de réponse.

Parcours sensible

Le titre, aussi énigmatique que poétique, donne le ton de l'exposition. Il ne s'agit pas ici d'une œuvre documentaire sur l'histoire ou les questions identitaires propres aux Antilles, ni d'évoluer dans un univers gentiment exotique qui répondrait aux attentes du Métropolitain moyen. Non, l'œuvre de Minia Biabiany est un parcours sensible réalisé à partir de matériaux pauvres qui renvoient autant à certaines spécificités de l'espace caribéen (cœurs de bananier, conques...) qu'aux rapports que l'humain entretient avec les éléments naturels. Libre de son parcours, le visiteur pioche des indices, opère des rapprochements dans un espace qui invite à prendre son temps, à se laisser bercer par le rythme poétique des vidéos et à naviguer parmi les entrelacs de mottes de terre. « Mon souhait est d'inciter à la déambulation et de mettre en activation les choses par le regard », explique l'artiste. Bien que rien ici ne soit intelligible d'emblée, Minia Biabiany propose une œuvre qui, soutendue par un impératif désir de questionner l'Histoire, déploie une cohérence qui lui est propre. Tout l'inverse d'une forme d'exotisme qui n'est souvent que la cristallisation superficielle des stéréotypes projetés par celui qui est en attente.

"J'ai tué le papillon dans mon oreille" (Minia Biabiany)
Au Magasin des horizon, jusqu'au 7 juin


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