Mamacita

Documentaire de Jose Pablo Estrada Torrescano (Mex., 1h15)


Bientôt centenaire, la Mexicaine Mamacita n'a rien d'une grand-mère gâteau. Partie de rien, cette femme à poigne, ayant réussi à monter une chaîne de salons de beauté, avait fait promettre à son petit-fils parti étudier le cinéma en Allemagne qu'il lui consacrerait un film. Le voici…

Impressionnante, irritante et attachante à la fois… Au fil de ses images, Jose Pablo Estrada Torrescano révèle sans filtre une maîtresse-femme assumant fièrement sa coquetterie et son autorité (voire, son autoritarisme), mâtinée d'une redoutable mauvaise foi chronique. Mais cet aplomb d'acier, conjugué à son tempérament baroque, apparaît comme le pilier de sa résilience, Mamacita ayant eu à dépasser les revers de fortune de ses parents.

Bien que volontiers rudoyé par son aïeule, Jose Pablo Estrada Torrescano va parvenir à force de présence et de bienveillance à lui arracher des confidences très intimes sur son rapport à ses "fantômes" et lui faire fendre l'armure pour la première fois de sa tumultueuse vie. Mamacita aurait-elle livré toutes ces vérités sans l'interface artéfactuelle de la caméra et donc la certitude d'une part de postérité ? Rien n'est moins sûr. Ce qu'elle livre, elle le livre en conscience et contribue à entretenir son aura de splendeur : le film, dans une révélatrice mise en abyme, s'achève sur elle en train de se contempler visionnant le documentaire.

S'il marque la naissance d'un cinéaste, ce film marque aussi celle d'une structure de distribution grenobloise, Plátano films, issue du festival Ojo Loco. Ces heureuses nouvelles étant trop rares, surtout en province, il aurait été dommage de ne pas le signaler.


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