Wet season

D'Anthony Chen (Sing.-Taïw., 1h43) avec Yann Yann Yeo, Christopher Ming-Shun Lee, Koh Jia Ler…


Singapour. Ling enseigne le chinois à des élèves de terminale à qui cette matière importe peu et peine à avoir un enfant. Épouse dévouée, elle s'occupe du père paralytique de son mari fuyant. L'un de ses élèves se rapproche alors d'elle, alors qu'au-dehors, la mousson s'abat sur le pays…

Le hasard fait se succéder sur les écrans français à quelques semaines d'intervalle La Beauté des choses (1995), l'inédit de Bo Widerberg, et ce nouveau film d'Anthony Chen qui se répondent de façon stupéfiante. Bien que le contexte historique (la Seconde Guerre mondiale en Suède chez Widerberg, Singapour aujourd'hui chez Chen) et le point de vue (l'adolescent pour l'un, l'enseignante pour l'autre) soient opposés, la trame est identique : un lycéen un peu à part noue une relation "inappropriée" avec une enseignante mariée et délaissée par son époux, alors que gronde une menace extérieure (ici, climatique). Un argument de fantasme à deux sous (à dessous ?) qu'Anthony Chen habille de nombreuses ramifications signifiantes en composant l'entourage de Ling.

Celle-ci apparaît en effet comme totalement marginalisée : à son foyer, elle s'occupe de son beau-père infirme et doit mendier (en vain) des rapports sexuels à son mari afin de concrétiser son vœu de grossesse ; au travail, la matière qu'elle enseigne, le chinois, est dénigrée au profit de l'anglais plus "vendeur". Mutique, fragilisé, son personnage n'a pas de perspective, jusqu'à sa relation pas vraiment désirée avec son élève, à l'insolence brutale et malgré tout, touchante. Une drôle d'histoire d'éducation sentimentale asymétrique, à l'issue prévisible et pourtant surprenante dans son radieux optimisme.


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