"L'État Sauvage" : le Nord, le Sud, et le reste…

De David Perrault (Fr., 1h58) avec Alice Isaaz, Kevin Janssens, Déborah François…


1861. Alors que la Guerre de Sécession fait rage, les Français sont sommés par l'Empereur de rester neutres. Pour Edmond et les siens qui vivent dans le Sud, la situation devient intenable. Ils décident donc de rentrer au pays, mais doivent pour ce faire traverser un vaste territoire sauvage.

Ontologiquement lié à la geste légendaire d'un territoire conquis (asservi ?) par des immigrants, le western, genre labouré dans tous les sens, n'a cependant cesser d'évoluer grâce à des regards extérieurs, inattendus voire “défendus“ : la vision opératique de Leone lui redonna un sens épique, La Flèche brisée (1950) modifia la perception manichéenne des Indiens, l'ascèse de Kelly Reichardt (entre autres) pour la La Dernière Piste (2011) développa sa dimension métaphysique. Hybridé, modernisé, tarantinisé, le western n'en demeure pas moins empli d'angles morts historiques ; une aubaine pour les auteurs de tous horizons : après Audiard ou Iñárritu, David Perrault s'y engouffre ici avec bonheur.

Son approche est réjouissante car elle se trouve “à cheval“ — si l'on ose — entre les deux cultures européenne et américaine, et voit s'affronter spécificités et paradoxes propres à chacune (attitude vis-à-vis des Noirs affranchis ou non, des femmes…). Et si la confrontation entre des sujets impériaux en crinoline et des outlaws mal rasés sur des terres enneigés peut sembler incongrue, elle correspond à une des réalités du melting pot d'outre-atlantique. Notre époque lui permet enfin d'évoquer frontalement des thématiques jadis édulcorées ou évacuées : féminisme et affirmation de l'homosexualité. On est loin de Margaret Mitchell !


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