Benoit Thiebergien : « Il faut que la solidarité avec les artistes soit aussi portée par les partenaires publics »

C'est l'un des gros festivals du printemps grenoblois, côté musiques du monde, jazz et musiques nouvelles, qui aurait dû lancer sa dixième édition ce jeudi 26 mars. Ce qu'il n'a bien sûr pas pu faire, tout le pays étant confiné – et tous les événements culturels à l'arrêt. On a alors passé un coup de fil à Benoit Thiebergien, qui pilote ces Détours de Babel depuis leur création (puisque c'est d'eux dont il s'agit), pour savoir comment lui et son équipe vivent l'annulation. Et, surtout, envisagent l'avenir.


Ça ne doit pas être très agréable d'annuler un festival à quelques jours de son lancement…

Benoit Thiebergien : On peut même dire que ça n'est pas agréable du tout. On était tous prêts, certaines résidences avaient même déjà commencé… Mais quand, vendredi 13 mars, on a appris que les rassemblements de plus de 100 personnes étaient interdits, on a tout de suite compris que l'on n'avait pas d'autre choix que d'annuler. Tout le monde dans l'équipe était abasourdi. Et les artistes aussi, bien sûr.

La dixième édition aurait dû se tenir du 26 mars au 19 avril. Sera-t-elle reportée dans l'année ?

Non, on ne peut pas la reporter, en décalant par exemple les trois semaines du festival en septembre, pour la simple et bonne raison que l'on travaille avec des salles partenaires – 48 lieux différents sur 20 communes tout de même, avec des grandes salles comme la MC2, la Belle Électrique ou la Rampe, des plus petites, des bibliothèques… Chaque projet est donc un cas particulier. Si on était un festival dans un lieu unique, on pourrait tout décaler, mais là c'est tout simplement impossible. Surtout qu'avant l'annulation, on était déjà engagés à 80% sur l'édition 2021 : on ne peut même pas tout reporter d'une année.

Comment gérez-vous cette annulation ?

On est en train de faire du cas par cas, spectacle par spectacle, partenaire par partenaire, pour voir si on annule, si on reporte au cours de l'automne – hors festival donc – ou si éventuellement, pour certains projets de création qui ne pourraient pas voir le jour sans le festival, on décale d'un an pour essayer de les sauvegarder. On essaie vraiment de faire au mieux, dans l'intérêt des artistes.

Car vous avez comme but, comme vous l'écrivez sur le site du festival, de « réduire l'impact de cette annulation sur les artistes, techniciens et prestataires et tous ceux qui se trouvent fortement fragilisés »…

Oui, on essaie d'être attentifs aux conséquences que l'annulation du festival aura sur les équipes artistiques et notamment les plus fragiles, mais aussi sur les techniciens ou encore nos prestataires. En gros, on tente de réduire au maximum l'impact sur l'ensemble de la chaîne. D'où le fait que pour les concerts que l'on annule, on souhaite maintenir les rémunérations de tous les protagonistes.

Ce qui a un coût pour le festival…

On est en train de faire des hypothèses. J'ai interrogé les différents partenaires publics pour demander à ce que les subventions soient maintenues malgré l'annulation du festival. Il faut que cette solidarité avec les artistes soient aussi portée par les partenaires publics.

Certaines salles ou certains festivals annulés proposent aussi au public de participer à l'effort en ne demandant pas un remboursement de leurs billets…

On ne l'a pas encore demandé – peut-être qu'on va le proposer. Pourtant, très spontanément, sans l'avoir sollicité, des spectateurs nous ont dit qu'ils ne demanderaient pas le remboursement de leur place par solidarité pour les artistes et les acteurs culturels. Je trouve ça bien sûr positif, même j'espère encore une fois que l'ensemble des collectivités locales vont elles être dans cette dynamique de solidarité.

L'édition 2020 est donc annulée, mais il y aura tout de même un peu d'activité en ligne…

On a mis en place quelque chose de modeste, mais c'est une façon symbolique de marquer le coup. On fait donc une sorte de dixième édition en ligne en publiant sur Facebook chaque jour, à 9h pour un café et à 19h pour un apéro, un webreportage sur un des projets de création accueillis par le festival les dix dernières années. Une sorte de rétrospective qui va permettre à notre public de pouvoir tout de même rester en lien avec nous.


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