Sarah Chiche : la place du père

Roman / La narratrice de Saturne n'a pas deux ans lorsque son père Harry, héritier d'une dynastie de médecins ayant fait sa fortune en Algérie avant de la poursuivre en France, meurt d'une leucémie.


C'est la scène, terrible, de son agonie, en présence de ses parents et de la mère de sa toute jeune fille qui ouvre ce roman qui n'en est pas tout à fait un.

Car la narratrice est en réalité l'autrice, Sarah Chiche, elle-même qui en 2019 à Genève, où elle donne une conférence, croise une femme qui lui assure avoir bien connu son père. Une simple confession qui la fait replonger dans une histoire familiale et paternelle complexe où l'amour et la haine se regardent dans les yeux : de la relation changeante d'Harry avec son frère aîné à la passion dévorante entretenue avec Eve, la mère de Sarah, bombe incendiaire que sa famille finit par rejeter violemment.

Un maelström de passions traversés par des fantômes, au milieu duquel la petite fille, gâtée à tous les sens du terme, a bien du mal à exister : « Je vivais dans un monde où les objets apparaissaient tout aussi brusquement que les gens y disparaissent, et où, du reste, comme les autres, on l'aura compris, je ne vivais pas vraiment. » Car il y a ce trou noir, cette ombre portée par le souvenir aveugle du père, qui conduit la fillette puis la jeune femme à s'y laisser couler, littéralement, à ne plus vouloir vivre. À moins qu'un jour le surgissement d'une image manquante vienne tout réparer. Aujourd'hui, Sarah Chiche est psychanalyste, Saturne en atteste. Mais c'est là le livre d'un écrivain.

Sarah Chiche à la Librairie le Square, mercredi 14 octobre


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