"Le cèdre et le papyrus" : Flandres désertiques

Rassemblant une diversité d'œuvres étonnante, l'exposition du Musée de Saint-Antoine-l'Abbaye propose une exploration des paysages de la Bible qui réjouira même le plus athée des esthètes.


Ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de contempler de magnifiques manuscrits enluminés ou de subtiles peintures du XVe siècle. C'est pourquoi nous nous sommes risqués à nous aventurer hors de la cuvette, en zone rurale, pour vous dire deux mots sur l'exposition Le cèdre et le papyrus visible au Musée de Saint-Antoine-l'Abbaye. Et s'il fallait prendre cette expression au pied de la lettre, nous nous contenterions d'écrire : « Allez-y ! »

En choisissant comme sujet les paysages de la Bible, l'exposition pointe du doigt les tensions entre les réalités géographiques, les conventions culturelles et les fantasmes pétris d'exotisme qui transparaissent dans les représentations inspirées par l'Ancien et le Nouveau Testament. Ainsi il n'est pas rare que, dans plusieurs œuvres, les paysages de la Mésopotamie aient d'étranges allures flamandes, offrant une luxuriance par forcément très raccord avec l'aspect a priori désertique des espaces géographiques évoqués. Heureusement pour les artistes férus de botanique, les représentations du jardin d'Eden sont une belle occasion de témoigner de leur sens aigu de l'observation et d'assouvir leur goût pour les motifs végétaux, dont nous pouvons à notre tour savourer la délicatesse.

Bestiaire démoniaque

Il est également assez appréciable que l'exposition présente autant le travail des peintres que celui des graveurs, des sculpteurs ou des enlumineurs. On découvre ainsi une crucifixion brodée à la soie, un bas relief en grès émaillé, de luxuriantes enluminures, un vase de faïence peint et surtout de magnifiques émaux, ainsi qu'une subtile huile sur marbre dont l'artiste détourne les nervures de la pierre pour évoquer les contours d'une grottes. Il est d'ailleurs amusant de constater à quel point les cavités sont pléthore dans ces paysages bibliques, les ermites s'y installant pour y vivre une vie d'exemplaire d'abnégation.

Enfin, plusieurs œuvres renvoient à des paysages tourmentés, en proie à de terribles nuées ardentes : une bible ouverte sur les pages relatives à l'Apocalypse de Saint Jean et une peinture évoquant la Tentation de Saint Antoine permettent non seulement de découvrir ces paysages tempétueux, mais également tout un bestiaire démoniaque absolument fascinant !

Le cèdre et le papyrus. Au Musée de Saint-Antoine-l'Abbaye jusqu'au 13 décembre


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