Yann Rambaud : « "Katacombes" est une pure histoire de fantasy »

Son nouveau roman, "Katacombes", vient de sortir en librairies, premier volume d'une série de quatre. C'est donc sur la durée qu'Hatier, son éditeur, a fait confiance à Yann Rambaud pour intéresser de jeunes lecteurs. Malicieux, l'auteur isérois s'en réjouit vraiment et compte bien également intéresser les adultes. Confidences…


Comment présenterais-tu ton nouveau livre ?

Yann Rambaud : Il est assez différent des précédents, qui faisaient un lien avec mon travail d'éducateur, avec souvent des personnages d'ados déboussolés. Cette fois, j'ai écrit une pure histoire de fantasy. Plus facilement, parce qu'avec ce sujet, je m'amuse vraiment. Cela dit, l'écriture, ce n'est pas ce que je préfère. Parfois, tu as de véritables envolées où tout vient tout seul, mais c'est rare. Le reste du temps, ce n'est que de la mise en forme. Je préfère l'étape d'avant, quand les idées viennent. Je peux lâcher la bride à l'imaginaire.

D'où vient-il, cet imaginaire ?

J'aime l'histoire et, pour ce qui est de la littérature, j'ai une culture très fantastique. Une éditrice m'a dit un jour : « On sent que tu te fais plaisir quand tu écris sur des choses qui font un peu peur ou avec une ambiance étrange. » La graine était plantée ! Ado, j'étais souvent maître de jeu de rôles. Quand le frère d'un copain est revenu des États-Unis avec Donjons et Dragons, ça a été une sorte de révélation. Côté livres, j'ai des références classiques : Tolkien, Stephen King, Lovecraft notamment. Tout ce qu'à mon époque, les profs considéraient comme de la sous-littérature.

Katacombes compte quatre personnages principaux. Tu te reconnais dans l'un d'eux ?

L'idée, c'est de prendre un bout de réalité, un bout d'imaginaire et de mixer les deux. Évidemment, derrière ces quatre-là, il y a des traits de caractère de gens que j'ai croisés, mais une fois l'imaginaire posé, tout se mélange. Bon, il y a forcément un peu de moi dans chacun ! Je ne m'en rends pas compte au moment où j'écris…

Sais-tu au moins à qui tes livres s'adressent ?

Honnêtement, je ne m'en soucie pas trop. Pour mon premier bouquin, Gaspard des profondeurs, il y a six ans, je ne savais pas que j'écrivais pour la jeunesse ! Quand j'ai démarché les éditeurs de littérature générale, je ne me suis pris que des boîtes. Un jour, on m'a dit que mon personnage avait 11-12 ans et que je devrais aller voir en jeunesse. Aujourd'hui, dans les salons, je vois passer autant d'adultes que de jeunes, mais tu es un peu obligé d'entrer dans les petites cases éditoriales. C'est très segmenté. Écrire spécifiquement pour les adultes, c'est un projet, en lien avec mon boulot d'éducateur. Pour l'instant, je ne me sens pas encore prêt… et j'ai d'autres idées de récits pour la jeunesse.

Tu parlais de Gaspard des profondeurs : son histoire se déroule sur trois livres. Une particularité de ton travail ?

Oui, sauf que Gaspard, tu peux commencer par n'importe quel tome. Katacombes, en revanche, ce sera une histoire linéaire sur quatre volumes, chacun sur un personnage différent. Généralement, je sais évaluer cela quand je commence à écrire. Il y a des écrivains jardiniers, qui inventent au fur et à mesure. Moi, je suis plutôt architecte : je construis le squelette de mon histoire avant.

Tu fais aussi des interventions en milieu scolaire…

Oui. Les gamins partent d'un de mes livres, le travaillent en amont et, quand j'arrive, je réponds à leurs questions. Je leur fais écrire un texte et, comme je viens avec ma guitare, on slamme. Je n'ai jamais eu droit à ça quand j'étais gosse !

Tu ne fais pas partie des auteurs qui s'isolent…

Non. J'ai besoin de sortir ! Écrire, c'est un truc de moine : tu es enchaîné à l'ordinateur. Cela me fait du bien de rencontrer des jeunes, avec leur côté spontané, d'autant que j'ai l'impression d'apporter un truc, en allant là où d'autres ne vont pas. Dire que les ados ne lisent plus, c'est une idée fausse, même si tu trouveras davantage de lectrices que de lecteurs. Je rencontre des parents qui se plaignent que leurs enfants ne lisent que des BD ou des mangas. C'est de la lecture aussi !

C'est amusant quand on pense qu'il y a un autre Yann Rambaud, auteur de BD…

Oui ! D'ailleurs, je suis en train de réfléchir à la façon de le tuer et de cacher son corps. Et il doit penser la même chose de moi ! Sérieusement, je ne l'ai jamais contacté, mais parfois, sur les salons, les éditeurs m'envoient ses livres en plus des miens. C'est rigolo.

On t'a connu musicien. Une page tournée ?

En effet, j'ai fait de la musique avec un groupe, Staël, qui a duré 12, 12, 14 ans. On avait été signé par Universal, mais l'envie d'écrire au long cours me titillait depuis longtemps. Le groupe, c'est fini depuis 7-8 ans, et je ne fais plus de créa. Cela dit, je ne passe pas une journée sans ma guitare…

Tu parlais de ton autre métier. Tu travailles auprès d'adultes handicapés…

En fait, ça fait très longtemps que je fais ce métier d'éducateur. J'ai notamment bossé dans le milieu de la délinquance. Dans mes bouquins, le fantastique m'a permis de parler du harcèlement scolaire, de la fin de vie, du deuil. Traités ainsi, certains sujets épineux passent bien auprès des jeunes. Mon travail d'auteur et celui d'éducateur sont imbriqués. Je reste éduc aux trois quarts du temps. Côté livres, c'est tellement galère financièrement que je ne peux pas faire autrement. Et j'aime ce travail !

Est-ce qu'écrire, c'est aussi un exutoire pour toi ?

Bien sûr ! Je me sens mieux quand j'ai écrit. Et si j'écris, c'est aussi sans doute parce que je suis un peu tourmenté moi-même.


Repères

1973

Son année de naissance.

2014
Hachette publie son premier livre, Gaspard des profondeurs. Cette autre histoire d'ados recevra le Prix des collégiens de l'Hérault. Et sera le premier volet d'une trilogie, avant Jessie des ténèbres (2016) et Achille des rivières et Stella des orages (2019).

2015
Toujours chez Hachette, il sort Teddy n'a qu'un œil. Un roman où deux enfants rencontrent un drôle de lézard, doté d'un super-pouvoir : celui de faire passer le temps plus vite. Une aubaine ? Pas si sûr…

2020
Son dernier opus, Katacombes, sort en librairie début octobre, édité chez Hatier. Trois autres tomes doivent suivre.

2021
Dès janvier, les lecteurs découvriront le second épisode de L'épopée de Sem, qui met en scène un jeune destiné à devenir chamane, mais qui doit pour cela renoncer à l'amour. Le premier volet était sorti chez Auzou, en septembre l'année dernière.


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