La Bobine reste dans l'action

Elle l'a affirmé par communiqué : même sans certitude sur la reprise de ses activités, l'équipe de la Bobine refuse de baisser les bras. Elle travaille actuellement à une possible réouverture en avril et, à huis clos, continue de mener nombre de ses actions. On en a parlé avec Hélène Dillies, sa coordinatrice générale.


Le 1er février dernier, vous avez annoncé renoncer à toute programmation au moins jusqu'à fin mars. Ce n'est pourtant pas l'hypothèse de travail que vous aviez émise précédemment…
Non. La situation économique de la Bobine et les annonces gouvernementales liées au deuxième confinement l'automne dernier ont entraîné la fermeture de nos lieux et nous ont empêchés de mettre en place une organisation. Cet hiver, on s'était d'abord dit qu'on transposerait ce que nous avions prévu en février-mars, mais, voyant que la situation se dégradait au retour des fêtes de fin d'année, on a dû prendre la décision d'annuler aussi ces deux mois. Désormais, nous n'avons même plus de visibilité par le ministère de la Culture, qui n'annonce aucune échéance.

Vous dites donc que le deuxième confinement est venu balayer vos efforts...
Exactement. On avait mis en place une programmation susceptible de tenir avec toutes les injonctions sanitaires, en renforçant notamment les protocoles pour l'activité restauration, avec un impact fort sur notre économie et, dans le même temps, notre ligne esthétique et artistique. Comment penser organiser des concerts de rock indépendant dans une salle de concert assise ? Comment continuer à accueillir des soirées électro avec un couvre-feu ? Pour nous, la question était double et on avait trouvé des solutions. Tout cela a d'ailleurs représenté du temps de travail pour nos équipes salariées car, contrairement à ce qu'on peut penser, une programmation ne se monte pas en deux jours chrono.

Aujourd'hui, quelles sont celles de vos activités que vous pouvez continuer à mener ?
Nous n'avons pas abandonné les autres axes de notre projet qui sont l'accompagnement des équipes artistiques, l'action culturelle et notre vie associative. On continue à accueillir des artistes dans le cadre de leur pratique professionnelle, pour des temps de résidence, de répétitions ou de calage d'enregistrements. C'est important car, même s'il n'y a pas de diffusion possible, ce travail de création ne se fait pas, lui non plus, en deux jours. On redonne ainsi un peu de sens et de soutien à un secteur culturel extrêmement touché par la crise sanitaire.

On continue aussi notre action culturelle, principalement à l'occasion d'ateliers de pratique artistique qui permettent aux scolaires, notamment du secteur 5, de pouvoir avoir une première mise en contact avec cet univers. On essaye notamment de mettre en place des visites, à la Bobine ou dans les établissements scolaires, qui respectent les protocoles sanitaires, pour le faire dans les meilleures conditions possibles. En périscolaire, on a également des partenaires dans les centres de loisirs ou autres, pour des visites de la Bobine en petits groupes, par exemple. Nous sommes par ailleurs sollicités par certaines structures socioculturelles de la Ville de Grenoble. On travaille en complémentarité.

Pendant ce temps de fermeture, des formations sont également proposées à vos salariés et bénévoles. Où en êtes-vous sur ce point ?
La vie associative est en effet le troisième pilier sur lequel nous travaillons. Nous n'avons pas vu certains de nos collègues depuis quatre mois : pour eux, la perte de sens est forte ! Nos bénévoles, eux, s'engagent au départ dans un projet, avec un cadre particulier. Puisqu'il ne nous est plus possible d'accueillir du public pour le moment, on est amené à repenser ces moments de convivialité, raison pour laquelle on organise en effet beaucoup de formations.

Pour les salariés, on travaille sur la notion de gouvernance partagée – c'est le moment idéal pour se pencher sur ce sujet – ou sur des formations pour des montées en compétence. Du côté des bénévoles, on leur permet de travailler sur nos locaux. On a toujours besoin de petites mains et de grands esprits pour faire avancer la gestion du bâtiment. Ils sont d'ailleurs plus que ravis de travailler dans ce but. Pour eux, on a aussi mis en place deux formations, autour de l'analyse théâtrale et de la connaissance des milieux des musiques actuelles. Nous espérions les proposer en mars au Ciel, mais il faudra malheureusement en passer par la visio…

La Bobine n'a toutefois pas fait de diffusion sur Internet. Un choix délibéré de votre part ?
Au départ, oui : le format de retransmission vidéo du spectacle vivant en général ne nous plaisait pas. Force est de constater que la fermeture se prolongeant, il a fallu se poser la question de la gestion d'une représentation sans public, et donc de la captation. Pour l'instant, nous réfléchissons à l'usage possible de la vidéo (ou d'un autre format de communication) pour mettre en valeur ce qui se passe actuellement dans nos locaux. Le format nous semble beaucoup plus adapté pour parler d'un projet ou pour soutenir des équipes artistiques, que juste pour faire de la diffusion.

Comment votre équipe se sent-elle aujourd'hui ?
Son moral est fluctuant. En janvier, voir à quel point on a été peu (ou pas) considéré a été très difficile à accepter. Programmer pour ensuite devoir déprogrammer est un peu déprimant pour les salariés. En revanche, on garde de l'espoir et notre dynamique en interne nous permet de continuer à nous projeter. Cela change la donne. On est en train de réfléchir à comment nous retrouverons le public et construirons une saison estivale, avec d'autant plus d'entrain qu'il y aura cette perspective de retrouvailles. Et, aujourd'hui, on travaille sur la programmation d'avril et mai.

D'aucuns estiment que la crise favorise des solidarités nouvelles et une meilleure compréhension des acteurs culturels entre eux. Qu'en pensez-vous ?
En effet, on a ressenti cette solidarité, mais elle n'est pas nouvelle pour la Bobine, puisqu'elle fait partie des valeurs de notre projet. Aujourd'hui, ce sont les modalités qui changent un peu. On continue de penser à des soirées de soutien et à la mise en réseau. Après le premier confinement, dans le cadre de Tempo, l'organisation qui regroupe les acteurs des musiques actuelles dans l'agglomération grenobloise, on s'était demandé comment faire en sorte que notre écosystème puisse perdurer et comment venir en aide aux différents acteurs de la filière. Toute cela implique le retour du public dans nos lieux.

On voit bien à quel point cette crise impacte la création artistique. De nombreuses équipes artistiques ont ce besoin d'un retour au plateau, en répétition, afin de garder du sens à leur travail. Les conséquences de la crise se mesureront sur le long terme. Sur un tout autre point, ces solidarités nouvelles, on a aussi envie de les mettre en place à la Bobine, dans toute notre démarche autour du bio et du local. C'est-à-dire en renforçant notre lien avec les producteurs qui nous aident au quotidien, au restaurant et au bar.

Et le public, lui, il vous soutient aussi ?
Notre relation est compliquée actuellement, car nous n'avons pas d'événement, ni même de perspectives à donner. On ne communique pas beaucoup, mais quand on le fait, on se rend compte que toute une communauté nous suit et est en demande. On a reçu énormément de témoignages de soutien, notamment quand on était beaucoup dans le flou quant à notre pérennité budgétaire. C'est rassurant.


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