Tauceti, une jeune étoile aux platines

Déjà programmée deux fois à la Belle Électrique, la DJ y revient pour une "capsule" : une page lui est désormais dédiée sur le site Internet de la salle de concerts, qui permet de la (re)découvrir et de l'entendre dès ce vendredi 16 avril, à partir de 18h. Interview.


On te retrouve vendredi dans la Capsule de la Belle Électrique. Peux-tu d'abord nous dire d'où vient ton nom de scène ?
Tauceti : D'une blague avec mon ex-colloc. J'ai commencé au Chalet, un petit bar grenoblois, et le gérant m'a dit qu'il fallait me présenter. C'est là que mon ami a proposé Tauceti, le nom de la seule étoile jaune visible dans la galaxie. J'ai trouvé ça mignon et c'est resté.

Tu fais de la musique depuis longtemps ?
Oui, j'ai toujours été dedans, y compris au lycée, avec des horaires aménagés. J'ai notamment fait de la batterie. Mes parents m'ont encouragée. J'ai d'abord eu une éducation classique, avant d'arriver à Grenoble pour mes études supérieures. Ici, c'est le berceau de la musique électronique ! J'ai rencontré des gens qui m'ont appris à mixer. C'est vraiment ce que je voulais faire !

Tu faisais des études de philo avant, c'est ça ?
Tout est arrivé en même temps.  En fait, la musique a commencé à me "prendre" quand j'étais en première année d'études. Je suis resté sérieuse. Je savais gérer mon temps. J'ai terminé ma licence l'année dernière et je suis en année sabbatique. J'arrive même à trouver un lien entre la philo et la musique, pour prendre du recul sur mon travail. Cela m'a beaucoup aidée ! Si j'en suis là aujourd'hui, je pense que c'est aussi parce que j'ai fait de la philo.

Tu es déjà venue à la Belle Électrique, à l'Ampérage… le public doit te manquer !
Oui, beaucoup ! Après, je ne suis pas forcément très démonstrative derrière mes platines. Je suis dans ma bulle, sans forcément une interaction directe avec le public, mais une osmose se crée : on n'est pas obligé de voir pour ressentir ! Ce qui me manque, c'est juste d'entendre des voix qui crient ou des verres qui tombent. Pour le reste, en fait, je stresse aussi…

Il y a une place pour l'impro, dans ton travail ?
Oui. Au début, j'apprenais mes sets par cœur. Maintenant, je prends des tracks que j'aime et j'essaye de créer un fil rouge en sachant où je veux amener le public. Je trouve mieux de ne pas tout préparer : ça donne un certain peps !

Que peux-tu nous dire de ton set pour la Capsule ?
J'ai fait les choses un peu différemment, cette fois. Sans public, j'ai pu me permettre de jouer certaines choses que je ne joue pas forcément habituellement. Ce que j'ai fait, ça me ressemble peut-être un peu plus : j'avais envie de donner une autre vision de ma personne. Cela reste techno et dansant, parce que je veux rester là-dessus, mais avec pas mal de tracks pour faire découvrir autre chose. Je me suis dit aussi que les gens regarderaient ça dans leur canapé, sans danser autour. C'est une ambiance différente…

Tu es toujours à la recherche de nouveaux morceaux ?
Oui, mais c'est compliqué aujourd'hui. Tous les artistes sont à l'arrêt et beaucoup de choses sortent : c'est très bien, mais il y a une perte de motivation des personnes qui  diggent. Sans soirée, on recherche pour des podcasts, dans un but précis. L'envie de chercher pour "rien" n'existe plus. C'est un autre travail. L'aspect positif de tout cela, c'est qu'on peut prendre de l'expérience en production. J'ai pas mal de potes qui n'avaient jamais pu produire, faute de temps, et qui le font aujourd'hui. Même moi, j'ai pris une expérience que je n'aurais jamais pu obtenir dans la vie disons "normale"…

Que peut-on te souhaiter ? Que tout reprenne de plus belle ?
Oui, mais je n'ai pas envie que ce soit masqué. Pour moi, la fête, c'est la sueur, c'est faire des câlins aux gens qu'on ne connaît pas ! Si on reprend des soirées assises où tout le monde est masqué, je trouve ça nul. Roselyne Bachelot parle de concerts assis : elle n'est jamais allée dans un festival ! Ou alors seulement dans un certain type ! J'aimerais que les choses reprennent comme avant.

Et devenir musicienne professionnelle sur la durée ?
Oui, mais je ne me le mets pas en tête. C'est un monde où tout peut se casser la gueule très rapidement, où il y a énormément de concurrence et où ça bouge de plus en plus, et très vite ! C'est quelque chose d'éphémère : on peut être en ascension fulgurante pendant 3-4 ans et voir ensuite émerger quelqu'un d'autre. Moi, je ferai toujours ça par plaisir : je serais contente si ça marche, mais j'ai d'autres bagages derrière pour pouvoir rebondir, sinon.

Certaines femmes DJ veulent encourager d'autres à le devenir. C'est un combat pour toi aussi ?
Oui. Ce n'est pas facile d'être une femme DJ, ni d'ailleurs une femme dans le domaine de l'art en général. Aujourd'hui, l'accès à la pratique est de plus en plus difficile. C'est souvent parce qu'elles n'osent pas, en fait ! Il y a deux-trois têtes d'affiche féminines dans la musique électronique, mais surtout énormément de mecs. Des promoteurs disent qu'ils ne bookent que des DJ hommes, faute de trouver des femmes. C'est un peu misogyne, mais un peu vrai, aussi. « Elle a cette place parce qu'elle est bonne, elle est passée sous le bureau » : ce sont des trucs que l'on entend tous les jours ! Pourquoi la femme est-elle forcément sexualisée ? Celles qui voulaient se lancer n'en ont plus envie, quand elles voient ça ! C'est pour ça qu'on organise des ateliers avec des femmes seulement, pour qu'elles acquièrent de la confiance avant de voler de leurs propres ailes.

Tauceti. La Belle Electrique – La Capsule 3
Rencontre et set en ligne à partir de vendredi 16 avril, à 18h.


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