Grenoble Calling, odyssée punk

Retracer 40 ans d'histoire du punk à Grenoble, des années 80 à nos jours, c'est l'audacieux défi dans lequel se sont lancés Nicolas Bonanni et Margaux Capelier, dont l'ouvrage "Grenoble Calling" vient de paraître aux éditions Le Monde à l'envers.


C'est une histoire souterraine, dont beaucoup ignorent jusqu'à l'existence : depuis maintenant plusieurs dizaines d'années, le punk dispose à Grenoble d'une base extrêmement active et inventive, d'une effervescence impressionnante – concerts, festivals, fanzines, disquaires, distributeurs, squats et autres lieux éphémères… Farouchement underground, privilégiant l'autogestion, le "Do It Yourself" et la culture des réseaux et du bouche-à-oreille, rétif à toute forme d'institutionnalisation, de marchandisation et de médiatisation, à Grenoble comme ailleurs, le mouvement punk se vit bien plus qu'il ne se donne à voir. Une sorte d'univers parallèle mu par ses propres codes et convictions, inclusif dans sa démarche mais par nature invisible aux yeux du plus grand nombre.

Autant dire qu'en retracer l'histoire sur près de quarante années constituait une gageure qui, aussi passionnante soit-elle, semblait de prime abord quasi impossible à relever. C'est pourtant ce qu'ont réussi à faire les auteurs de Grenoble Calling en s'appuyant sur une méthode éprouvée : après s'être entretenus individuellement et de manière extensive avec plus d'une soixantaine d'acteurs et témoins-clés de la scène, ils ont construit 62 courts chapitres thématiques, regroupés par décennies, chacun composé d'un montage d'extraits des différents entretiens recueillis. Un procédé garant d'une fluidité permanente à la lecture et qui assure également une lisibilité sans égale aux différents évènements recensés, les propos des uns venant sans cesse compléter ceux des autres.

Grenoble Calling donne enfin à découvrir un pan aussi vital qu'essentiel de la (contre-)culture grenobloise. 

En donnant la parole à ceux qui ont vécu la scène de l'intérieur, Grenoble Calling offre ainsi un panorama extrêmement riche et complet d'une scène en perpétuelle évolution, qui ne sombre jamais dans l'hagiographie, le nombrilisme ou la nostalgie à la petite semaine. Bien sûr, au vu de l'ampleur du sujet et de la période abordés, un tel projet prête forcément le flanc à quelques menues critiques : on pourra ainsi regretter que certaines thématiques ou périodes ne soient pas abordées de manière plus approfondie, qu'une poignée d'acteurs, de groupes, de lieux ou d'associations manquent à l'appel, ou encore que lors de certains passages, l'accumulation de prénoms à outrance laisse temporairement le lecteur un peu hors-jeu… Mais l'essentiel n'est pas là : fruit d'un travail aussi rigoureux que titanesque mené pendant plus de trois années, Grenoble Calling donne enfin à découvrir un pan aussi vital qu'essentiel de la (contre-)culture grenobloise, qui n'avait encore jamais été dévoilé jusqu'à présent.

Sur un plan purement formel, difficile de ne pas être ébloui par la finition irréprochable de l'ouvrage : une mise en page limpide, aérée et ultra-lisible, qui met en valeur la conséquente recherche iconographique effectuée par les auteurs (reproduction de flyers, d'affiches, de photos d'archives, d'extraits de fanzines…), l'ajout d'une compilation CD de 15 titres regroupant quelques-uns des groupes phares de la scène, et enfin un prix de vente extrêmement raisonnable au regard de l'objet (16 euros), marque de fabrique de l'éditeur Le Monde à l'envers.

Grenoble Calling, de Nicolas Bonanni et Margaux Capelier (éditions Le Monde à l'envers). En vente aux librairies les Modernes et Le Square, au café-bibliothèque Antigone, ainsi que chez les disquaires Discorama et Le Mange-Disque.


<< article précédent
Derrière les portes du musée de l’Ancien Évêché