Une expo qui en a sous la pédale

Événement. Riche de mille trésors, l'exposition "Un amour de vélo" du Musée dauphinois témoigne des cultures propres à l'univers du vélo mais également de l'histoire particulière que le territoire entretient avec la bicyclette. Amusant et passionnant !

 


On a tous idée que l'Isère est une sorte d'immense terrain de jeu pour les cyclosportifs en tous genres – du vététiste amateur de sensations fortes au coureur du dimanche dévalant les routes des cols. Ce dont on a moins conscience, c'est à quel point ce territoire est aussi celui de nombreux artisans ingénieux et de bricoleurs astucieux. De la bicyclette pliante imaginée en 1892 par un industriel de Domène à l'étonnant Chopper de Jacques en passant par l'élégante randonneuse conçue par les Cycles Cattin, l'exposition du Musée dauphinois, sans chauvinisme aucun, rend compte de nombre de réalisations iséroises remarquables, mais également de certains épisodes mémorables de l'histoire du vélo sur ce territoire.

On retiendra tout particulièrement l'inauguration d'une piste cyclable par Hubert Dubedout en 1977, faisant de Grenoble une ville pilote en la matière, ou encore la première coupe du monde officieuse de VTT (à Villard-de-Lans en 1987) dont la tenue fluo de l'un des vainqueurs, Jacques Devi, fait encore un peu mal aux yeux. Ceci d'autant plus qu'elle est présentée à proximité du vélo patiné de Franco Nicotera, cyclo-aventurier grenoblois parti cinq ans sur les routes du monde au début des années 1980.

Étapes par étapes

Pensée comme un parcours en huit étapes (de la « poétique de la mécanique cyclopédique » à « partir un jour sans retour »), l'exposition ne pouvait faire l'économie des grandes courses et de leurs mythiques anecdotes. Pour notre part, on décerne sans hésitation la médaille à Eugène Christophe qui témoigne avoir réparé lui-même sa fourche dans la forge d'un village lors d'une étape pyrénéenne du Tour de France en 1913 ! Dans cette même section, pour les visiteurs que ça démange et les marmots qui ont la bougeotte, l'artiste Itzel Palomo a conçu un dispositif qui permet de se lancer dans une course effrénée grâce à une réjouissante mécanique qu'on active en pédalant. Enfin, après la section « vélo volé » présentant quelques gisants récupérés dans le cours de l'Isère et« vélo love » dans laquelle est exposé le magnifique tandem construit par le Grenoblois Jo Routens, sont abordés les débats liés à la pratique féminine du vélo à la fin du XIXe siècle : faut-il craindre pour la virginité des jeunes filles ? Autorise-t-on les femmes cyclistes à troquer leur robe pour un pantalon ? "Des questions "essentielles" qui nous rappellent que le vélo est aussi un instrument d'émancipation et que l'obscurantisme ne guette jamais loin lorsqu'il s'agit d'entraver la liberté des femmes.

Inspirations artistiques

Ponctuant le parcours, de nombreuses œuvres d'art témoignent de la manière dont les artistes ont pu être inspirés par l'univers du deux-roues. Ça démarre précisément sur les chapeaux de l'une d'entre elles avec la proposition burlesque de Laurent Perbos en forme d'hommage croisé à l'art moderne et au cyclisme. On enchaîne plus loin avec plusieurs œuvres de la nouvelle figuration (Rancillac, Tavernier...), avant d'embrayer avec de nombreuses caricatures de Sempé, Blachon ou Piem qui croquent avec ironie, poésie et justesse l'univers fascinant des grandes courses. Par ailleurs, avec de nombreux points d'écoute, la chanson n'est pas en reste – on recommande tout particulièrement le désopilant Mon Jalabert, dub minimal à base d'accordéon ! Enfin, les photographies de Pierre Duvert rendent compte de la diversité des sociabilités qui existent autour du vélo : que ce soit par le biais des livraisons à domicile, des pratiques familiales, des associations militantes ou des ateliers de réparations participatifs. Bref, il n'y a plus qu'à s'y mettre !

Un amour de vélo, au Musée dauphinois jusqu'au 4 juillet 2022.


<< article précédent
Une balade égyptienne avec les Champollion