Un été en famille

Bénéfice collatéral de sept mois de disette : il n'y aura pas de pénurie estivale dans les salles. Tout particulièrement pour les films parlant des familles ou à leur destination, et du désir de se libérer de son emprise sur un mode tragique, comique… voire les deux.


Variation multiple et ludique de Freaky Friday, Le Sens de la famille de Jean-Patrick Benes (30 juin) crée ainsi un chamboule-tout géant, où les esprits des parents, grands-parents et enfants naviguent dans les corps des uns et des autres sans fin pour une raison inconnue. S'ensuivent d'inévitables quiproquos glissant doucement vers un registre trash, changeant agréablement de l'injonction à faire de la comédie aseptisée. La fin qui ne résout rien permet (presque) de supporter le jeu de Dubosc — le seul à en faire des tonnes. Plus archaïque est la famille des Croods,  une nouvelle ère, second opus signé Joel Crawford (7 juillet), revisitant dans une pseudo-préhistoire d'heroic fantasy aux couleurs criardes la querelle entre anciens et modernes, mâtinée d'un remix du Père de la Mariée et de Mon beau-père et moi. Là encore, le final délirant offre un relief inattendu à ce qui semblait s'engager sur les rails d'une animation ordinaire. Animation toujours avec Fritzi de Ralf Kukula & Matthias Bruhn (même date) explorant un passé plus récent et grisâtre : celui d'une petite fille est-allemande dont la meilleure copine a profité des vacances pour passer à l'Ouest. Un sujet politique et historique rendu abordable pour un public préado, grâce à l'intégration d'images d'archives et des séquences de cache-cache avec la Stasi (audacieux !).

Sisi la mifa !

Très différent est Aya et la sorcière de Goro Miyazaki, marquant une révolution pour les Studios Ghibli : le passage aux images de synthèse. Si l'esthétique trahit une certaine raideur et les couleurs manquent de luminosité, on retrouve ce qui a fait la gloire de la maison de Totoro : un caractère d'enfant effronté plus ou moins orphelin, de la sorcellerie, des démons mignons et une fin tire-larmes. Des larmes, il y en a dans Profession du père (28 juillet) de Jean-Pierre Améris contant à hauteur d'enfance, l'emprise d'un père mythomane et tyrannique (extraordinaire Benoît Poelvoorde) sur son fils jusqu'à la rupture. Rupture qu'évoque également Farid Bentoumi dans Rouge (11 août) où une infirmière, embauchée dans l'usine où son père est syndicaliste, découvre l'existence de pollutions cachées. Cette tragédie shakespearienne contemporaine résonant comme un Todd Haynes ou un Cayatte donne par ricochet envie de préserver l'environnement au sens large : naturel… et familial.

Partir, quand même…

On change d'univers et de continent avec Kuessipan de la Québécoise Myriam Verreault (7 juillet), racontant la fracture entre une jeune fille innue et sa communauté, lorsqu'elle décide de quitter la réserve, d'étudier et de se mêler avec les blancs. La trame s'avère des plus classiques, mais l'intérêt sociologique est évidemment incontestable pour relayer la parole et l'existence des peuples premiers souvent contraints à une lente extinction, aggravée par l'ostracisme et les spoliations de territoires (ici, les sous-sols pétrolifères de la réserve sont convoités). Plus au sud de l'Amérique, en Argentine, Juan José Campanella concocte avec La Conspiration des belettes (21 juillet) un délice de manipulation métafilmique. À la fois comédie sardonique sur les vieilles peaux vieilles gloires de l'écran, policier vachard, réflexion sur le couple élargi à la "famille professionnelle", sur l'écriture, sur le temps qui passe ou la séduction, il s'agit là d'un très plaisant moment de cinéma sur le cinéma avec en sus le toujours excellent Oscar Martinez. Appartenant à la "grande famille"“ du SDECE, OSS117 fait son retour dans un Alerte rouge en Afrique noire (4 août) où le héros de Jean Bruce, migrant en 1981, confirme sa plasticité docile aux évolutions de la société (il devient un crack en informatique) comme il suit la doctrine officielle pré-woke de sa hiérarchie en abandonnant un discours paternaliste et colonial trop “voyant“… sans renoncer toutefois aux pratiques françafricaines ni à ses préjugés. Si le film est toujours écrit par Jean-François Halin, l'inventivité de Michel Hazanavicius à la réalisation manque. Retour en France pour finir avec un film à sketches signé par deux frères (mais inspiré par un modèle australien) : Les Fantasmes de Stéphane & David Foenkinos (18 août). Porté par une distribution étourdissante, cette exploration des petites déviances amoureuses navigue entre tragi-comédie, cruauté et farce. À moins d'être foenkinosophobe, difficile de ne pas y trouver un peu son compte. Ah ! Et Kaamelott – Premier volet de et avec Alexandre Astier, alors ? On se doute bien qu'il s'agira d'un film de troupe autant que de famille. Et on espère que cela annonce une longue fratrie…


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