Les dents et on lit !

Embouteillage de nouveautés sur les étagères des librairies. Comme chaque mois de septembre, 500 à 600 livres sont publiés plus ou moins simultanément. On est allés au Square pour obtenir les bons conseils du libraire.


Chaque année, on se demande lesquels choisir dans ce foisonnement de bouquins. On lit des articles, on épluche les sélections des prix littéraires… Mais rien ne vaut le conseil du libraire du quartier. « C'est assez magique que la rentrée littéraire soit un événement en soi. Dans cet océan, la tâche du libraire, c'est de savoir retenir. Mais en réalité ce travail de défrichage, d'accompagnement, de promotion est permanent », introduit Nicolas Trigeassou, directeur de la librairie Le Square, qui comme les membres de son équipe a lu, au bas mot, une quarantaine de livres cet été.

Un roman grenoblois d'abord

Parmi eux plusieurs coups de cœur, à commencer par une œuvre grenobloise, L'invention de Louvette, premier roman de Gabriela Trujillo. « Un livre absolument foisonnant, pétillant, sur une femme qui renoue avec l'enfant qu'elle était, en Amérique centrale. » La Fille qu'on appelle, de Tanguy Viel, a également séduit Nicolas Trigeassou. Il raconte l'histoire d'un boxeur en fin de carrière, chauffeur d'un maire très ambitieux, qui tente d'aider sa fille à obtenir un logement social. « La force de ce livre, c'est qu'il éclaire ce qui se joue dans les mots. Certains savent jouer avec les mots, d'autres moins, c'est un jeu social, cruel. »


Dans Le Fils de l'Homme, roman salué de toutes parts, Jean-Baptiste Del Amo fait preuve « d'un lyrisme assez rare aujourd'hui. Il s'intéresse à une question qui l'obsède : l'irrépressible transmission de la violence entre les hommes. » Narré à travers le regard d'un enfant – la proie de la folie familiale -, dans un décor de moyenne montagne, « c'est comme si la nature trouvait les mots pour se décrire », apprécie le libraire.
Il cite aussi Nathacha Appanah pour Rien ne t'appartient, roman fort sur une femme rattrapée par ses fantômes, et Alexandre Labruffe pour Wonder Landes, récit autobiographique. « L'auteur apprend que son frère vient d'être incarcéré pour des faits graves. Or, dans sa famille, on a tendance à s'accommoder du réel grâce à l'invention. L'histoire se déroule sur une année, une année pour comprendre et accepter la réalité. Ce livre s'impose par le ton, un humour qui fait du bien. »

Biographie d'une insomniaque

Un récit, voire un essai, davantage qu'un roman : dans Pas dormir, Marie Darrieussecq ne trouve pas le sommeil. « Elle décompte les nuits blanches, et décrit de façon très drôle tout ce qu'elle a essayé pour parvenir à dormir, en vain », sourit Nicolas Trigeassou. « C'est un livre d'une richesse incroyable, plein d'intuition, et en même temps aérien. »

Côté littérature étrangère, deux romans italiens trouvent les faveurs de la librairie du Square. Claudia Durastanti est pour la première fois traduite en français pour L'Etrangère, un roman autobiographique. « Pour en parler, il faut raconter la première scène. Dans les années 60, un homme se jette dans le Tibre à Rome. Une femme passe par là, elle saute à son tour et le sauve. Ce sont ses parents », résume Nicolas Trigeassou. « Ce qui reliait ses parents, c'est que tous deux étaient sourds, et tous deux ont développé une forme d'extravagance. C'est tout sauf un livre triste, et Claudia Durastanti déploie une langue incroyable, qui lui est propre. Elle prend des tournants, des raccourcis que l'on n'avait jamais lus. C'est un livre d'une grande fantaisie. »

Autre pépite, elle aussi venue de l'autre côté des Alpes, La félicité du loup de Paolo Cognetti, dans lequel un homme de 40 ans se retire dans les montagnes, laissant sa compagne à Milan. « Il va croiser d'autres personnages qui ont fait le choix de la solitude. Sur une année, le paysage change, un amour se crée. C'est une très belle chronique d'un lieu et de sentiments. »

Le Square, 2 place du Dr Léon Martin. Des rencontres sont prévues avec plusieurs des auteurs cités. Programme sur www.librairielesquare.com


<< article précédent
William Forsythe, le Ballet réanimé