La Casemate renaît de ses cendres

Après l'incendie criminel de 2017, revendiqué par des activistes anarchistes au nom d'une technophobie affirmée, la Casemate vient d'inaugurer ses nouveaux locaux réhabilités et redémarre l'ensemble de ses activités. Une bonne nouvelle à une époque où la défiance à l'égard des scientifiques prend une ampleur inédite.


Bien sûr, c'était la fête. En ce jeudi 16 septembre d'inauguration, au premier étage d'une Casemate toute neuve, rénovée, lumineuse, ça souriait largement sous les masques, ça se congratulait allégrement entre élus et officiels tandis que plusieurs dizaines de personnes se pressaient dans les alcôves de la galerie, avides de découvrir les projets scientifiques présentés (un bac à sable interactif plein de couleurs permettant de réaliser des modélisations topographiques, la numérisation 3D de vertèbres afin d'observer les déformations subies par la colonne vertébrale, etc.) tout en dégustant des petits-fours et en sirotant un verre de vin.

Oui, vraiment, c'était la fête et il s'agissait de le montrer. À qui ? Aux auteurs, toujours inconnus, de l'incendie criminel qui ravagea les lieux en novembre 2017 (sans faire de victime heureusement). « C'est un jour de renaissance et je pense aux gens qui travaillaient ici lorsque ces personnes, qui ne veulent rien comprendre à la science et à ce que l'on fait dans ce lieu, y ont mis le feu. Aujourd'hui, nous sommes encore plus forts », commençait Corine Lemariey, présidente du tout nouvel Établissement public de coopération culturelle (EPCC) qui reprend cette année la gestion de la Casemate, à la suite de l'association éponyme. « Une partie de la population s'attaque aux sciences en tant que partie d'un système institutionnel qu'elle rejette », enchaînait Marie-Christine Bordeaux, vice-présidente culture et culture scientifique et technique à l'Université Grenoble-Alpes.

« Totalitarisme technologique » ?

En effet, dans leur revendication, les incendiaires grenoblois – des défenseurs de l'action directe qui ont également enflammé d'autres cibles d'un tout autre genre, comme les gendarmeries de Grenoble et Meylan, Eiffage, France Bleu Isère ou, plus récemment, la mairie d'Éric Piolle – dénonçaient la Casemate comme « une institution notoirement néfaste par sa diffusion de la culture numérique », estimant que « la société finit par se résumer à un totalitarisme technologique ».

Pourtant, la Casemate d'hier comme d'aujourd'hui n'est pas grand-chose d'autre qu'un centre de médiation scientifique et d'exposition, qui accueille tous les publics, sans que l'on puisse sérieusement lui reprocher de laver des cervelles – à la limite, une once de prosélytisme inhérent à ce type d'activité mais rien de plus. Il s'agirait plutôt de les remplir et de les endurcir, les cervelles, grâce notamment au Fab Lab qui propose à tous de manipuler des outils et des machines numériques de pointe moyennant, parfois, un abonnement.

Expliquer le travail des scientifiques

Alors d'accord, on risque de voir le PB taxé de naïveté ou de complaisance envers une telle institution… N'empêche, ce qui nous inquiète véritablement, c'est plutôt cette défiance grandissante – de plus en plus politique et de moins en moins rationnelle – à l'égard de la science, que l'on peut observer à Grenoble comme ailleurs. Et qui se traduit par un refus du fait et de la preuve scientifiques, avec les conséquences que l'on connaît, aujourd'hui, en pleine crise sanitaire.

« Cette défiance n'est pas nouvelle mais elle a été exacerbée par la crise. On a observé un déséquilibre entre la temporalité de la recherche et celle de notre vie quotidienne. Il fallait des réponses immédiates là où on n'en avait pas encore. Ça a créé le doute », estime Jeany Jean-Baptiste, directrice de la Casemate. « Nous, en tant que centre de sciences, on veut certes lutter contre cette défiance, mais on veut également contribuer à exercer l'esprit critique de tous. On est aussi un centre culturel qui questionne l'impact de la science sur la société. Pour tout cela, nous menons un travail d'éducation et d'explication. Ici, les scientifiques parlent de leur travail, de leurs doutes, de leurs questionnements, de leurs études. Et puis par exemple, nous donnons accès à la pratique lors d'ateliers qui permettent à chacun de mettre en œuvre la démarche scientifique. » Ce qui est sûr et réjouissant, c'est qu'on n'a pas fini d'entendre parler des sciences dans l'agglo puisqu'un centre complémentaire à la Casemate devrait voir le jour au Pont-de-Claix, fin 2022.


<< article précédent
Altin Gün, pari gagnant