Croque-vie


Elle débarque sur le plateau avec un frigo sur le dos. C'est pour les bières, histoire qu'on passe un bon moment ensemble. Sympa. L'image est symboliquement forte : une femme immense aux dents elles aussi immenses, qui trimballe un poids énorme. Cette femme, prénommée Christine, c'est la comédienne Véronique Tuaillon, clown depuis une vingtaine d'années, que ce soit sur scène, dans la rue ou encore à l'hôpital.

Une clown tout-terrain donc, un peu punk sur les bords. Et, forcément, drôle : on s'amuse beaucoup devant son spectacle More Aura qu'elle tourne depuis sa création en 2015. C'est que le personnage qu'elle a construit, sorte de Julia Roberts contorsionniste qui aurait pris un coup de pelle, est de ceux qui, physiquement, en imposent par une présence captivante. Avec elle, chaque mouvement de corps, chaque intonation différente, chaque rupture de ton en somme (un peu comme en boxe, sport que pratique Véronique Tuaillon), sont propices au rire.

Elle l'écrit en note d'intention : son clown est « une construction de chaque instant, ou plutôt une déconstruction : accepter de désapprendre et de jouer comme un enfant, sans jugement, sans doute, sans avenir, juste maintenant ». Jouer avec le public sans cesse interpellé – avec son consentement bien sûr. Jouer avec la parole également : mais qu'est-ce que veut vraiment nous raconter cette curieuse Christine ?

On finit par comprendre, au fil de son récit et des nombreuses digressions qu'elle se permet, qu'elle porte en elle une immense douleur, de celles qui peuvent broyer un cœur, un être, aussi forts soient-ils. Petit à petit, ses rituels comiques peinent alors à masquer ses fêlures profondes. Et ce solo clownesque devient tout bonnement bouleversant. On ne s'y attendait pas.

More Aura
À la Faïencerie (La Tronche) vendredi 15 octobre à 20h30


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