Un monde sans pitié


Depuis ses débuts avec le tonitruant Côte Concorde, qui sublimait le naufrage du Costa Concordia en la métaphore agonisante d'une Europe naufrageant sans fin, Feu ! Chatterton n'a jamais eu son pareil pour apposer de la poésie (et quelle poésie !) sur la trivialité du monde, apposer comme on brûle.

Sur son troisième disque, Palais d'argile, dont la tournée peut enfin reprendre, Feu ! Chatterton fait un sort à l'époque et à ses habitants que l'on voit aux terrasses ou dans les transports faire défiler sur un écran de téléphone des images sans queue ni tête comme pour se shooter aux pixels zombifiés, qui fantasment Un Monde nouveau sans rien savoir faire de ses dix doigts, tout juste bon qu'on est (car oui, c'est de nous qu'il s'agit) à attraper le bluetooth, même plus foutus de se caresser en chair et en os quand ne sont plus tactiles que les écrans (Cristaux liquides).

Cette époque qu'incarne aussi un président arrivé en quasi deus ex machina se rêvant en pharaon à pyramide de verre, dont il faudrait dissoudre le palais d'argile qui donne son titre à l'album (Écran total). Comme si au fond, Feu ! Chatterton, derrière la belle jeunesse n'était pas tout à fait de cette époque. Mais non, c'est peut-être qu'ils la comprennent mieux que personne et aussi la manière dont elle nous contamine. Témoin, cette manière qu'ils ont de laisser l'électro (ici confiée aux soins d'Arnaud Rebotini) contaminer leur rock comme s'il fallait plier devant la cybernétique parce que c'est ainsi que le monde est désormais fait. Mais il reste le lyrisme libertaire du groupe qui semble devoir survivre à tout, et tant mieux.

Feu ! Chatterton. Lundi 11 octobre aux Abattoirs (Bourgoin-Jallieu), et le 6 décembre à la Belle Electrique (complet).


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