Histoires d'ici et d'ailleurs

Dédié aux multiples facettes du documentaire de création, le festival "Le Monde au coin de la rue", initié par l'association A Bientôt J'espère, revient cette année encore investir le quartier Alma-Très-Cloîtres. Décryptage d'une initiative passionnante.


C'est une mission pour le moins ambitieuse, dont "Le Monde au coin de la rue" s'acquitte néanmoins avec un succès renouvelé année après année : faire découvrir à une multiplicité de spectateurs venus d'horizons différents la frange la plus défricheuse du cinéma documentaire, en projetant des films « dont on n'a la plupart du temps jamais entendu parler ». Un objectif qui, pour être mené à bien, implique pour l'équipe d'A Bientôt J'espère une incursion prolongée dans la vie du quartier et de ses habitants. Comme l'explique Cyril Hugonnet, « chaque année, on passe beaucoup de temps à arpenter les rues, à boire des cafés, à manger des kebabs pour rencontrer les gens, les structures qui font du travail social ou qui ont leurs activités dans le quartier. Et à partir de ces rencontres, qui petit à petit s'additionnent et nous permettent de créer des liens, on va penser à des films, et à des manières de les montrer, qui vont résonner avec ce qu'on a ressenti comme enjeux dans le quartier. Derrière chacun de ces films, il y a souvent une rencontre, et même si on ne va pas l'expliciter, on sait pourquoi ces films sont là ».

Cinéma éphémère

En lieu et place de La Maison des Habitants du Centre-ville, actuellement en travaux (et sur le parvis de laquelle se déroulera néanmoins la soirée d'ouverture du festival), c'est donc le Théâtre Sainte-Marie-d'en-Bas qui se transformera cette année, le temps d'une semaine, en cinéma éphémère, pour prolonger l'ancrage dans le quartier et les discussions amorcées avec les habitants. Au programme, une sélection de courts-métrages projetés tôt le matin autour d'un café, de 8h45 à 9h20, un ciné-goûter pour petits et grands le mercredi à 15h30, et enfin une deuxième sélection tous les soirs à 20h dédiée cette fois aux long-métrages. Et si aucune thématique explicite n'accompagne la programmation, il est néanmoins assez facile de voir apparaître en filigrane différents liens qui relient les films les uns aux autres.

Familles et microcosmes

Souvent, un lieu unique va ainsi permettre l'exploration d'un véritable microcosme, qu'il s'agisse de l'intimidant plongeoir de 10 mètres d'une piscine suédoise (La Tour de 10 mètres), d'un arbre gigantesque au Nord de l'Inde dont l'abattage va nécessiter un conséquent travail d'équipe (The Peepul Tree), ou d'un café au beau milieu du désert algérien tenu par la tenace Malika (143 Rue du Désert).

Sujet universel s'il en est, la famille est également au cœur des discussions des touchantes drag-queens de Mother's, sujet de déchirement dans Celle qui manque, portrait par son frère d'une jeune punk toxicomane recluse dans un camion, et d'affrontement entre générations dans la famille turque des Enfants terribles, bien décidés à en finir coûte que coûte avec le joug patriarcal. Et quand c'est l'État lui-même qui vous coupe de toute possibilité de vous épanouir de votre passion, l'exil loin des siens reste alors la seule solution envisageable, comme le montre douloureusement le très beau Raving Iran (en photo). Soit autant de vivifiantes fenêtres ouvertes sur le monde à découvrir… au coin de la rue.

Le Monde au coin de la rue, du vendredi 8 au vendredi 15 octobre au Théâtre Sainte-Marie-d'en-Bas et à la Maison des Habitants du Centre-Ville


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