Musiciennes, sortez du silence !


Qui passe pour avoir donné le "la" dans l’histoire de la musique électronique ? Connaissez-vous les noms de Clara Rockmore, Delia Derbyshire, Daphne Oram, Eliane Radigue, Bebe Barron, Pauline Oliveros, Maryanne Amacher, Wendy Carlos, Suzanne Cianni ou Laurie Spiegel ? Grand vainqueur du prix FAME 2021 (festival international de films sur la musique), le documentaire Sisters with Transistors brise le silence sur ces dix pionnières de la musique électronique.

Pour son premier film documentaire, la réalisatrice Lisa Rovner juxtapose de très belles archives en noir et blanc ou en couleur. Par-dessus, la voix de Laurie Anderson, figure américaine de l’art expérimental, pose un trait d’union évident entre ces femmes : l’amour des machines qui font de la musique. Coup de projecteur mérité pour ces pionnières de la musique électronique aux histoires souvent méconnus… Parmi elles : Clara Rockmore la virtuose du thérémine, Daphne Oram pionnière britannique de la musique concrète et inventeuse de l’oramics (instrument de musique électronique qui traduit des informations graphiques en ondes sonores), Delia Derbyshire derrière le thème original de la série Doctor Who, ou Bebe Barron qui avec Louis Barron, son « partner in noise », est à l’origine de la première bande originale de film entièrement électronique (Planète interdite, 1956). Sisters with Transistors rend justice à ces musiciennes s’étant emparées de nouveaux médiums musicaux à partir des années 1930, à leurs personnalités fougueuses et savantes qui ont passé outre l’approbation des autres, principalement celle des hommes.

La qualité du documentaire vient de son parti pris engagé. Au-delà du contenu biographique, l'accent est mis sur le fait que la musique électronique a permis et permet encore aux femmes de s'émanciper. On comprend également que si l'histoire n'a pas retenu ces compositrices de talent, c'est parce qu'au regard de l'establishment masculin elles étaient "inoffensives". Pour preuve cet extrait du film où Eliane Radigue rapporte les propos sexistes d’un technicien travaillant, comme elle, en studio : « Oh ce qu’il y a d’agréable d’avoir Eliane dans les studios, c’est qu’au moins ça sent bon ! ». Il faut se rappeler que la musique électronique était encore mal comprise au début des années 1990, lorsqu'une nouvelle génération de femmes s'emparait des platines. Le chemin est encore long avant que la phrase "Tu mixes bien pour une meuf" ne soit plus qu'un lointain écho.

Sisters with transistors mercredi 20 octobre à 20h30 au Ciel


<< article précédent
Rituels Machines Fossiles, sortilèges numériques