Benji, roi du circuit

Les affaires reprenant, Benjamin Biolay peut enfin venir défendre sur scène son "Grand Prix" publié l'an dernier, album victorieux en forme d'hommage aux fous du volant. En même temps que disque bilan aux contours rock.


En 20 ans d'une carrière pour le moins pléthorique, Benjamin Biolay a, quoi qu'on en pense, fait plus que la preuve de son habileté musicale. Paradoxe, on ne lui a jamais connu de véritable tube, quand bien même il s'en est parfois approché d'assez près.

Il semblerait cette fois, après ses détours par Palermo Hollywood et le Buenos Aires de Volver, que Biolay ait trouvé la formule qui déshabille le tube à essai au profit du tube tout court. Il n'a pas fallu attendre la sortie toute fraîche de Grand Prix pour s'en rendre compte. Le single Comment est ta peine ? a fait le boulot en éclaireur — basse ronde et funky comme épine dorsale, rythmique saccadée, mélodie imparable, claviers et arpèges cristallins montés au front et violons en soutien — donnant une idée assez précise de ce à quoi on allait avoir affaire : l'album le plus rock de BB.

Les amateurs d'indie-rock auront peut-être perçu dans ce titre un clin d'œil, en même temps qu'au film de John Frankenheimer (1966), à l'album éponyme du quatuor écossais Teenage Fanclub (1995). Mais si, comme sur la pochette du TFC, Biolay fait figurer un engin de course (une F3 jadis pilotée par Jean-Pierre Beltoise derrière laquelle court un type en flammes), il faut surtout y voir un hommage aux héros casqués des lignes droites empruntées à 300 km/h.

Fureur de vivre

Pour le reste, et pour la première fois, Biolay semble en effet enfin assumer ses influences indé anglo-saxonnes, des Smiths à New Order (tout cela se joue toujours au nord de l'Angleterre). De Visage pâle et ses synthés tortueux à Idéogrammes et ses guitares mi-rentre-dans-le-lard, mi-carillon, en passant par les très Madchester Comme une voiture voilée et Virtual Safety Car, il fait étalage de ses références autant que de ses dispositions.

Le rapport entre la F1 et le rock ? Une certaine fureur de vivre avec la mort penchée sur l'épaule et que l'amour transcende. Mais derrière le concept, une fois le casque enlevé et la carrosserie mise à nue, il reste un Benjamin qui livre, de son propre aveu, l'un de ses disques les plus intimes, les virages d'une vie défilant à rebours dans le rétro, le drapeau à damier en guise de bilan pas très reluisant.

C'est un homme qui approche doucement la cinquantaine en courant à toute allure après sa jeunesse que l'on retrouve sur Grand Prix, à qui le temps qui s'envole comme un Papillon Noir, ne permet plus toutes les fantaisies. Reste donc la jeunesse éternelle que seule on trouve dans le rock et l'éternité du tube qui résonne bien après la dernière note, comme le fracas de la dernière sortie de route.

Benjamin Biolay, jeudi 28 octobre à la Belle Electrique (complet)


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