Rien que de l'eau

Les infos que l'on avait glanées sur son travail nous avait semblé parfois un peu fumeuses. Il n'en n'est rien ! L'exposition de Martin Belou au CAB est claire comme l'eau de roche qui la parcourt. Une superbe proposition qui ravira autant les amateurs d'installations in situ que ceux de Morandi.


On le sait, le CAB n’est pas un lieu facile pour faire des expositions. Et même si depuis plusieurs années la direction se démène pour inviter des artistes dont l’approche s’accommode souvent avec brio des nombreuses contraintes du lieu (humidité, lumière naturelle, murs de pierres…), la proposition de Martin Belou est certainement l’une des plus réussies qu’il nous ait été donné de voir. Intitulé Aguardiente ("eau ardente"), ce gigantesque et délicat circuit hydraulique sensoriel se déploie sur les trois niveaux du centre d’art. Instinctivement, le visiteur est ainsi amené à suivre le trajet parcouru par l’eau dans un état de fascination qu’il doit autant au perpétuel mouvement du liquide qu’au clapotis incessant qui résonne sur les voûtes humides du centre d’art. On se prend ici à rêver un peu comme lorsque l’on contemple, hypnotisé, la formation des nuages ou les remous d’une cascade…

Amphores maison

Réalisée à partir d’amphores fabriquées maison, de vieilles bassines en zinc, de calebasses soigneusement préparées, et même d’objets antiques récupérés lors de fouilles dans le port de Marseille, l’installation témoigne de l’attachement de l’artiste à la matière et à la texture des matériaux dont il fait usage – on pense parfois aux natures mortes de Morandi. Mais c’est également le temps et la patine que celui-ci confère aux objets qui l’intéresse.

Plusieurs éléments sont ici ré-employés ou recyclés (à commencer par l’eau de pluie qui alimente le dispositif) et certains vont même évoluer imperceptiblement au fil de l’exposition du fait de la présence de l’eau. Des particularités qui donnent l’impression que cette installation a toujours été là. Et c’est bien là sa réussite : le lieu semble avoir été pensé pour elle et non l’inverse… une fois l’expo finie, ça ne va pas être facile de se décider à la démonter !

Aguardiente de Martin Belou, au Centre d’Art Bastille, jusqu’au 2 janvier 2022


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