L'acteur du futur

Avec Le Jeune acteur 1, Riad Sattouf poursuit ses études adolescentes en BD avec le premier volet d'une biographie consacrée à l'acteur Vincent Lacoste, qu'il révéla au cinéma dans Les Beaux Gosses. Et en qui il semble avoir trouvé son Antoine Doinel. Hilarant et touchant.


Jeune dessinateur, Riad Sattouf ne rêvait que de héros de science-fiction et de créatures fantastiques, fou qu'il était de la BD de SF et des films de Steven Spielberg. Ces dessins (et son style) n'intéressant personne, l'artiste s'est alors penché sur d'autres créatures plus banales mais à leur manière tout aussi fantastiques : les ados, dont en quelques albums, La Vie secrète des Jeunes, Retour au collège, Les Cahiers d'Esther, et bien sûr L'Arabe du Futur où il conte sa propre jeunesse, il a fait l'un des plus savoureux bestiaires de la BD française et internationale.

À l'œuvre, un sens aigu de l'observation, un genre d'hypermnésie pour raviver les souvenirs d'enfance les plus ténus, et une capacité hilarante à croquer la laideur de l'âge ingrat à coups d'appareils dentaires, de regards bovins et de lèvres baveuses. Car oui chez Riad Sattouf l'ado est (très souvent) moche, très moche, rappelant par là une réalité biologique : la puberté est à ce point cruelle qu'elle fait pousser les extrémités à des vitesses différentes pour ne pas dire capricieuses.

Ici, c'est encore tout autant le sens de l'observation de l'auteur qui fait des merveilles que sa mémoire (son physique lui a fait vivre une adolescence très compliquée qui nourrira la plupart de ses albums). Ce qu'on savait moins c'est qu'à travers Spielberg, Sattouf avait rencontré François Truffaut (via Rencontre du 3ème type d'abord) et son Antoine Doinel, rêvant d'avoir le sien. Cet alter ego, il le déniche lorsqu'on lui propose de transposer sur grand écran ses chroniques adolescentes avec Les Beaux Gosses.

Puceau à vie

Lancé à la recherche d'un ado moche pour en incarner le héros très anti, il tombe sur un grand machin de 14 ans, comiquement mou et « à la bouche de têteur ». A sa manière une sorte de prodige. Il s'appelle Vincent Lacoste et a un don : quand il ne fait rien, tout le monde se marre, quand il esquisse le moindre geste, c'est un véritable pandemonium de poilade. De là à ce que l'animal fasse carrière au cinéma, il y a un gouffre.

Pourtant, une douzaine d'années plus tard, Vincent Lacoste a plus de 35 films à son actif et quasiment aucun où on se fout de sa gueule. Un acteur est né, sur le plateau des Beaux gosses. D'abord en ne jouant pas puis en apprenant. C'est l'histoire que nous conte Riad Sattouf dans Le Jeune acteur 1, premier volet (consacré aux Beaux Gosses) de sa biographie dessinée de Lacoste, en qui il a trouvé son Antoine Doinel de BD.

La chose est évidemment hilarante – parce que Lacoste l'est, on l'a dit, et parce que Sattouf sait rendre dans le moindre trait cette drôlerie jusqu'alors perceptible qu'à l'écran – et parfois cruelle (quand sur le tournage du film, même les figurants se moquent de son look, ou quand après une projection privée l'adolescent entrevoit la possibilité qu'après un tel film, il soit puceau à vie). Mais ce qui se tisse aussi c'est l'amitié naissante entre les deux hommes, le regard tendre et bienveillant que pose Sattouf sur Vincent Lacoste, bientôt admiratif. À suivre, avec joie.

Riad Sattouf. Le Jeune acteur 1 – Aventures de Vincent Lacoste au cinéma (Les Livres du futur) À la Librairie Le Square le mercredi 1er décembre.


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