Affolante Amazonie

Aussi luxuriante et foisonnante que la forêt à laquelle elle est consacrée, l'exposition "Amazonie[s], forêt-monde" au Musée dauphinois propose un parcours passionnant mêlant histoire, ethnographie et politique. À ne pas manquer !


« Nous, on n'a rien inventé […]. Mais les palassissis (les blancs) eux ont inventé les voitures, les avions, les fusées, les bus, les trains... » Rapportée par Miquel Dewerer-Plana dans le cadre de son projet photographique présenté à la fin de l'exposition, cette assertion d'un jeune amérindien de Guyane a quelque chose de profondément attristant. En effet, à ses yeux, le rapport technologico-productif que les occidentaux entretiennent au monde s'impose comme le seul honorable, alors même que les populations dont il est issu en ont souvent fait les frais – et c'est là le premier mérite de cette exposition que de le souligner à travers un parcours historico-thématique savamment construit.

Après une introduction qui permet de prendre conscience de l'ampleur du sujet qu'il se propose d'explorer, ce parcours s'ouvre sur une salle consacrée aux recherches archéologiques, qui nous rappelle que les traces de présence humaine sur le territoire amazonien remontent à 13 000 ans avant J.C. Rapidement, est ensuite abordée l'arrivée des conquistadors ainsi que la terreur et la fascination qu'ils éprouvent face à ces autochtones emplumés dont les représentations et les descriptions étaient souvent largement fantasmées. Sont alors évoquées les exactions commises par les Européens, mais aussi les maladies dévastatrices qu'ils amènent dans leurs bagages. Un retour historique succinct mais nécessaire, rappelant à quel point l'entreprise coloniale fut destructrice.

Vitalité et destruction

C'est ensuite à la vitalité des cultures autochtones qu'est consacrée la plus conséquente (et la plus passionnante) section de l'exposition. Une vitalité dont elle témoigne à grand renfort de parures somptueuses et d'objets magnifiques dont les usages et les symboliques nous sont expliqués avec précision. Le rôle du chamane, la détoxification des racines de manioc, les rituels de passage, les techniques de chasse et les conflits inter-ethniques (car les peuples d'Amazonie ne sont pas non plus des Bisounours) n'auront plus de secret pour vous.

La section suivante nous ramène malheureusement à la dure réalité de l'exploitation abusive que certaines entreprises mènent de manière illégale sur ce territoire (peut-être une occasion de s'interroger sur notre responsabilité en tant que consommateur en bout de chaîne…). Enfin, retour à la vitalité avec les mouvements de résistance autochtones dont l'exposition témoigne des formes variées : manifestations, actions diplomatiques, guérillas, mais aussi arts visuels et musique…

En confrontant ainsi l'énergie vitale de ces populations à l'instinct destructeur propre au capitalisme mondialisé, cette exposition valorise le rapport singulier que ces peuples entretiennent avec une nature qu'ils respectent et dont ils ne se dissocient pas. Un rapport dont on ferait bien de s'inspirer urgemment, car si les Amérindiens n'ont certes pas inventé l'avion ou la voiture, ils ne sont pas non plus à l'origine de la destruction accélérée de cet espace naturel vital pour l'Humanité (et du reste du monde).

Amazonie[s], forêt-monde jusqu'au 2 mai 2022 au musée Dauphinois, Grenoble


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