« Amères », les victimes présumées d'un serveur de la Bobine se confient


Elles sont visiblement éprouvées. Les victimes présumées de l’ancien salarié de la Bobine, qu’elles accusent d’agressions sexuelles et de violences, ont rédigé une lettre ouverte pour dénoncer la façon dont elles se sont senties déconsidérées par l’établissement dans cette affaire. Nous avions rencontré la Bobine à ce sujet lors de la déferlante Balance ton Bar (article à lire ici), nous avons donc également écouté le récit de ces jeunes femmes, qui évoquent à elles toutes des faits de violences physiques, de harcèlement et de violences sexuelles, jusqu’au viol.

Au printemps 2021, la Bobine a recueilli les premiers témoignages les informant de comportements violents (et liés à une consommation d’alcool) de l’un de ses employés, à son domicile. « Je me suis fait accompagner par France Victimes, et je me suis rapidement aperçue que je n’étais pas isolée, nous étions au moins cinq femmes à avoir subi des violences de la part de cette personne », affirme Noémie*. « On a alerté la Bobine, en lien avec l’association Serein.e.s, ça n’a débouché sur rien du tout. » Elle avait déposé une plainte auprès de la police pour des faits de violences et de harcèlement commis par ce serveur, alors qu’ils étaient en couple ; plainte qui a débouché sur un rappel à la loi.

A la Bobine, une enquête interne aurait été déclenchée pour savoir ce qu’il en était. Enquête que les filles balaient d’un revers de main. « Ce qu’on leur reproche, c’est de ne pas avoir cherché. Je leur ai fait passer le récépissé de ma plainte, on a raconté nos histoires encore et encore, et ils ont cherché à minimiser. Il y a un vrai problème de positionnement de leur part, car la Bobine n’est pas n’importe quel bar. » Comprenez : c’est un lieu justement engagé depuis des années dans la lutte contre le sexisme et pour l’inclusion. Or selon les filles, l’agresseur présumé « se servait justement de la Bobine pour entrer en contact avec ses victimes, dans un contexte d’alcool, et avec une forme de légitimité apportée par la bonne image du lieu sur l’égalité hommes-femmes. »

Elles ont rencontré plusieurs fois les équipes de la Bobine, qui a mis fin à sa collaboration avec le mis en cause. « Mais il a été licencié pour d’autres motifs », affirme Audrey*, ce que la Bobine conteste formellement. « On leur a demandé des excuses publiques (l’affaire avait déjà fait le tour de Grenoble avec toutes les inévitables variations, ndlr), et sur quoi ils s’engageaient pour l’avenir. On souhaitait écrire un communiqué ensemble, pour que nos propos ne soient pas déformés, dans une volonté de co-construire la suite. »

L’association a finalement publié son propre communiqué fin novembre. A y repenser, Noémie*, écœurée, fond en larmes. « Le fait qu’ils parlent de ma chair, de ma dignité à ma place… » Audrey : « C’était une énième humiliation. Tout ce qu’on demandait, c’était d’écrire ça ensemble. Les premières lignes ne parlent à aucun moment des victimes… » D’où cette lettre aujourd’hui, rédigée par quatre d’entre elles et co-signée par plusieurs associations. « C’est pour ça qu’on en est là. C’est super de programmer des événements sur l’égalité de genre, mais si on n’est pas capable d’agir sur le terrain… La Bobine ne doit pas faire comme si rien ne s'était passé, sans conséquences et sans enclencher un réel travail d'analyse de sa structure, amenant à un changement radical de son fonctionnement et son positionnement. Mais le sujet, ce n’est pas seulement la Bobine, c’est aussi la prise de conscience des mécanismes, des responsabilités. » Dans cette idée, elles tiennent également à interpeller la municipalité de Grenoble dont, disent-elles, le « silence est lourd quand on sait que des élu(e)s ont tenu à rencontrer la gérante de la page Balance Ton Bar Grenoble pour lutter contre les phénomènes qu'elle rapporte ». Et de rappeler que la Ville a lancé l’organisation d’Assises de la Nuit, au premier trimestre 2022.

*Les prénoms ont été changés.

La lettre ouverte :

CPBob


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