Naufragés sublimés

Nouvelle agora et décor à couper le souffle : Emmanuel Meirieu adapte Les Naufragés de Patrick Declerck qui a écouté, soigné, pansé les clochards que la société efface. Spectacle hors normes.


Depuis vingt ans, à quelques exceptions près, Emmanuel Meirieu donne la parole à des hommes, des témoins directs et sensibles de l'âpreté extrême de l'existence. Mais loin de s'apitoyer, il ouvre au contraire une fenêtre sur une humanité souvent méconnue, limite planquée.

Voilà donc qu'il place Patrick Declerck sur un plateau. C'est lui qu'on entendra sur la scène. En racontant son parcours de soignant au sein du Centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre, Declerck dit les attentions portées là-bas à ceux que la société ne sait même pas nommer (SDF, sans-abri...?), comment on leur rase la tête quand ils arrivent tant ils sont infestés de poux, il décrit leur puanteur sans s'appesantir, sans la nier non plus. Il les fait exister, de façon quasi clinique, sans enjoliver. Il leur donne vie. Et notamment à Raymond, qu'Emmanuel Meirieu a choisi d'extraire du livre.

Habitat et humanisme

La création aurait dû avoir lieu dans une station fantôme du métro lyonnais, mais « parler des clochards dans le froid, l'hiver, aurait été indécent », analyse rétrospectivement le metteur en scène qui jubile « car aujourd'hui dans les théâtres on ne peut plus planter un clou, là c'est un décor comme ceux que je voyais enfant, ceux de Chéreau, Planchon. Il ne reste plus que Mnouchkine pour faire ça » !

Un voilier installé par grue, des tonnes de sable, une mer, tout est là pour ces Naufragés. Mais la métaphore n'est pas si simpliste. C'est aussi un clin d'œil à Declerck, navigateur solitaire à ses heures et à cette règle qui veut qu'en mer, le bateau le plus proche d'une embarcation en détresse se détourne immédiatement pour lui porter secours. Alors que « sur terre, on crée le délit de solidarité ! » tonne Emmanuel Meirieu dont le travail s'affirme de plus en plus comme un combat politique, sans étendard, mais avec la conviction pour lui que la formule présidentielle des « gens qui ne sont rien » est inacceptable. « Mon boulot de metteur en scène c'est montrer les gens comme je les vois. J'aime les humains friables, les derniers de cordées. »

Les Naufragés du 8 au 11 février à 20h, le 12 février à 17h à la MC2, de 5€ à 28€


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