"Corps extrêmes" de Rachid Ouramdane : la quête de l'apesanteur

Après Möbius, l'ancien codirecteur du CCN2 Rachid Ouramdane propose avec Corps extrêmes un travail de recherche sur l'envol, et plus largement sur le dépassement de soi. Il entoure ses huit acrobates de deux sportifs jusqu'ici étrangers aux plateaux de théâtre, le slackliner Nathan Paulin et la grimpeuse Nina Caprez (elle sera remplacée à Voiron pour cause de grossesse).


Sol blanc, mur blanc criblé de prises d'escalade blanches. Dans Corps Extrêmes, Rachid Ouramdane dissèque ces esprits et ces corps d'athlètes poussés dans leurs retranchements. Huit acrobates, une grimpeuse professionnelle et un slackliner de renom questionnent littéralement, à la scène, leur pratique et leur rapport à leur discipline.

Hybride, le spectacle comporte des extraits vidéo et audio de ces sportifs de l'extrême dans leurs milieux respectifs : le highliner Nathan Paulin arpente un fil tendu entre deux montagnes, la grimpeuse suisse Nina Caprez escalade une paroi vertigineuse. Leur voix résonne dans la salle, ils racontent leur peur, le dépassement, la concentration, les sensations. Ces passages aux allures de documentaire rompent l'atmosphère de tension qui gagne le spectateur au fil de la chorégraphie, sur la scène. Les artistes évoluent lentement, visages fermés, ultra-concentrés sur la réalisation d'acrobaties incroyables, techniquement parfaites, visuellement ébouriffantes.

Lutte contre la gravité

Pas d'ostentation dans le décor, la lumière est le plus souvent crue, les tenues sont on ne peut plus simples : legging, short, t-shirt, magnésie à la ceinture. Ce sont des sportifs. Pris dans leur corps, dans leur concentration, dans cette blancheur, ils sont entièrement habités de cette soif de dépassement. Leur lutte perpétuelle contre la gravité est soulagée lorsqu'ils s'envolent enfin, se jettent de plusieurs mètres de haut, tête la première, pour retomber comme un rien dans les bras souples des porteurs et recommencer aussitôt à prendre de la hauteur, sauter de nouveau. Là-haut, solitaire sur son fil, Nathan Paulin tend la main, comme un appel à l'aide. En-dessous ils jaillissent à plusieurs mètres de haut, puissamment, dans un geste suprême, sans jamais réussir à caresser sa main. Ils courent et parcourent le mur qui paraît tout à coup horizontal, s'élèvent dans l'espoir de trouver l'échappatoire à la pesanteur.

Dans la lignée de Möbius, réalisé en collaboration avec la compagnie XY (et qui a fait salle comble à la MC2 la semaine dernière), Rachid Ouramdane travaille sur le rapport entre le collectif et l'isolé, la délivrance et le salut venant finalement du groupe. Corps extrêmes est l'aérien même, tout en s'ancrant dans le sol grâce à un lien direct et fort à la nature, plus particulièrement à la montagne (la paroi rocheuse, le vent sur la highline au-dessus d'un gouffre) chère à l'ancien directeur du CCN2 de Grenoble.

Corps extrêmes le 3 février au Grand Angle (Voiron), de 12€ à 28€ et les 13 et 14 avril à la MC2, de 5€ à 28€

Rachid Ouramdane • Corps extrêmes from Théâtre de Chaillot on Vimeo.


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