Montagne éternelle


La montagne avec un grand M. Ses règles, sa dureté, sa beauté, son éternité. Après Les Huit Montagnes, Paolo Cognetti raconte dans La Félicité du Loup la vie de l'altitude, au fil de rencontres amoureuses et amicales. Le protagoniste quitte Milan pour se ressourcer auprès des glaciers du Val d'Aoste, en pleine séparation. Sur les traces des randonnées de son enfance. Description parfaite des relations simples et profondes avec les montagnards, les vrais, et avec le bois, la neige, la glace, le vent. Et surtout la "démontagnée", comme disent les Tarins (mais plutôt à propos des vaches), ce sentiment de triste tournis qui prend le semi-citadin au ventre quand il descend des cimes pour retourner dans la plaine. « Il avait toujours aimé l'absurde proximité qu'il y avait entre les Alpes et sa ville […] En attendant au feu il pensa : bon sang, on s'habitue vraiment à tout. Je pourrais même me réhabituer à ça, une semaine suffirait. »

La Félicité du Loup est un livre court découpé en chapitres succincts, les petites intrigues s'enchaînent et les blessures non-dites des uns et des autres demeurent de page en page, devant une nature insensible. Devenir montagnard, image d'Epinal qui nous a tous traversé l'esprit, mais qui revêt bien des réalités triviales, soumises aux saisons, au réchauffement, à l'isolement. La précarité de l'existence là-haut côtoie le sublime du décor. Emmenés dans la pureté du Mont Rose, on lit ce livre d'une traite, tout en gardant un œil à travers la fenêtre sur les sommets enneigés de Belledonne, caressés par le soleil. Et quand on referme le roman, on se retrouve nous aussi la proie de la démontagnée, avec une envie sourde et idéaliste de s'enfuir là-haut et bouleverser son rapport au temps, à la nature, à soi-même.

Paolo Cognetti. La Félicité du Loup jeudi 3 février à 19h30 à la librairie Le Square


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