Raquettes dans le maquis

À Bois Barbu, dans le Vercors, glissent les fondeurs dans une insouciance toute vacancière, mais à quelques encablures, le village en ruines de Valchevrière ramène à un passé plus sombre où des gamins de 18 ans sacrifiaient leur vie face aux troupes nazies. Autre siècle, autre conflit.


Pour réaliser cette randonnée sur les traces du maquis du Vercors, rendez-vous au site nordique de Bois Barbu. Il se situe sur la route que l'on emprunte rapidement à droite après avoir traversé Villard-de-Lans. En circulant en voiture ou à bord de la navette gratuite proposée par la station, vous pourrez observer au bord de la chaussée, en sortant du bourg, un début de calvaire – chemin de croix jalonné par les quatorze stations traditionnelles – qui se termine à la chapelle de Valchevrière, seule construction du hameau encore debout (attention, teaser). Nous reviendrons sur l'histoire de ce calvaire un peu plus loin.

Rejoignez à pied le foyer de ski de fond et cherchez en contrebas de celui-ci un chemin dont le départ est marqué par un plan indiquant les itinéraires de randonnée. Suivez les panneaux signalant Valchevrière et le Goutarou. Le sentier commence par descendre dans une forêt clairsemée et apaisante jusqu'à 1090 m, pour ensuite remonter et atteindre la piste de fond à 1179 m. On la suit sur une vingtaine de mètres, puis on la longe en contrebas, pour de nouveau la retrouver au Bénitier de Merlon, une formation naturelle (lapiaz) de roches calcaires rongées par les eaux de ruissellement chargées en CO2. Ce promontoire offre une vue spectaculaire sur un paysage de forêt et de falaises.

Un passage stratégique à défendre

Du bénitier, marchez vers l'ouest sur 500 mètres environ le long de la piste de ski de fond jusqu'à arriver au belvédère de Valchevrière. Le Vercors, ici, n'est pas un plateau contrairement à l'image habituellement véhiculée. Trois cent mètres plus bas au nord, la Bourne coule au fond de profondes gorges. Au sud, au-dessus du belvédère, le relief très tourmenté complique tout déplacement. La Résistance a utilisé cette orographie pour établir des verrous bloquant l'accès au Vercors sud. Valchevrière en est un, ce qui explique les durs combats qui se sont produits ici, les 22 et 23 juillet 1944. Sept semaines avant, les résistants sédentaires du secteur entendent à la radio la phrase « Le chamois des Alpes bondit », signal de la mobilisation diffusé le 6 juin 1944 par la BBC. En quelques jours, des centaines de volontaires affluent des vallées, montent sur le plateau, abandonnant leur famille et leur travail. Ils viennent rejoindre le demi-millier de maquisards déjà présents dans une douzaine de camps, dont Valchevrière. Fin juin 44, ils sont 4000 sur le plateau.

15 000 soldats à l'assaut du Vercors

Ce territoire en armes est un défi à l'ennemi et le général Karl Pflaum décide d'en finir. Le 21 juillet 1944, il lance 15 000 soldats à l'assaut du Vercors. Aucun autre maquis en France n'a mobilisé autant de forces ennemies. Valchevrière sera le théâtre d'un sévère affrontement les 22 et 23 juillet. Pendant ces deux journées, les troupes allemandes s'infiltrent au cœur du massif par la route forestière qui relie Villard-de-Lans à Saint-Martin-en-Vercors, qui passe par le belvédère. Le 22 juillet, peu après Bois Barbu, elles se trouvent face aux hommes du maquis. Ils résistent sur la route et en sous-bois mais doivent céder. Sur le belvédère, le lieutenant Chabal et ses hommes se sacrifient pour retarder l'avance ennemie.

Les Allemands incendient ensuite les maisons du village avec des grenades au phosphore. Un chemin à droite après la stèle commémorative y descend en moins de 10 minutes. Le village ruiné est resté en l'état, avec ses poutres calcinées, ses pierres à nu et noircies. Seule la chapelle est restée intacte. Elle incarne la dernière station du chemin de croix édifiée à la suite d'un vœu du chanoine Jacques Douillet, qui avait célébré la dernière messe de Valchevrière avant les combats.

Dans le village, des totems rappellent avec émotion la vie paisible qui y régnait bien avant cette période tourmentée. Il est temps de revenir sur ses pas avec ces images troublantes, ou bien de poursuivre jusqu'au chalet de Chalimont en grimpant tranquillement dans un vallon vers le sud-ouest, et, pour les plus courageux, de rejoindre ensuite la brèche de Chalimont. Dans tous les cas, le retour se fait par le même itinéraire. 

Bois Barbu > Valchevrière. Distance : 4 km. D+ 100 m

Bois Barbu > brèche de Chalimont. Distance : 7, 6 km. D+ : 380 m

Carte IGN 3236 OT
 


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