À vue de nez, réussi


S'il y a bien une pièce du répertoire français qui peut être résumée en une tirade, c'est Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand, où le fameux Cyrano est moqué pour son « nez… heu… très grand » comme le lui reproche maladroitement le Vicomte de Valvert. « Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme… En variant le ton, – par exemple, tenez : […] Descriptif : "C'est un roc ! … c'est un pic ! … c'est un cap ! Que dis-je, c'est un cap ? … C'est une péninsule !" »

« Et si Cyrano n'était pas vraiment laid ? Et si sa laideur était dans la vision qu'il a de lui-même ? », se demande la compagnie Les Moutons Noirs qui propose une version resserrée de la fameuse pièce, où le rôle-titre de l'amoureux transi mais empêché par son physique tourne entre tous les comédiens au fil de la représentation ; chacun venant en plus raconter au public, dans de petits intermèdes, ce qui le complexe en lui. « Et si tous, nous portions un nez devenu monstrueux à force de ne voir que lui ? » Un parti pris original – d'où le titre du spectacle : Cyrano(s) – qui donne une saveur particulière à cette mise en scène honnête, efficace, bondissante et décalée d'un chef-d'œuvre du patrimoine français.

Cyrano(s) vendredi 18 mars à la Faïencerie (La Tronche), de 8€ à 20€


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