Y voir clair sur la nuit

Travailleurs, forces de l'ordre, fêtards, établissements culturels et festifs, riverains… Lundi 21 mars, des dizaines d'acteurs de la nuit étaient réunis en mairie pour entendre le résultat de six mois d'enquête sur la nuit à Grenoble.


« Ce qui frappe dans ce travail extrêmement riche, c'est qu'il y a là énormément de regards à croiser, d'enjeux qui nécessitent un plan d'action pour les travailleurs, les pratiquants de la nuit et ceux qui dorment… » commente le maire Éric Piolle en introduction. En six mois de labeur, Les Orageuses, collectif d'éducation populaire, a entendu et compilé plus de 250 témoignages sur Grenoble, la nuit. Le but de la Ville, commanditaire du rapport : sortir du sempiternel conflit entre les il-y-a-trop-de-bruit et les j'ai-besoin-de-faire-la-fête. « Nous souhaitons construire une politique publique qui ne soit pas qu'une réaction, avec deux objectifs : faire coexister tous les usages au travers d'une approche globale, et améliorer le service public nocturne et le cadre de vie des Grenobloises et Grenoblois », renchérit Maud Tavel, adjointe à la tranquillité publique et aux temps de la ville. Ainsi, tout ce travail débouchera sur un plan d'action et la création d'un Conseil de la nuit.

108 propositions

Nous n'en sommes pas encore là : lundi 21 mars, donc, le temps était au diagnostic. Les entretiens ont fait ressortir 108 propositions. Bien sûr, certaines sont contradictoires : d'un côté, on veut une ouverture plus tardive des établissements festifs et des équipements publics (musées, bibliothèques, parcs…), faciliter l'organisation de fêtes étudiantes en plein air, davantage d'offres pour festoyer après minuit. De l'autre, on souhaite sanctionner plus durement l'ivresse sur la voie publique, améliorer le traitement des signalements pour tapage (la Ville en a compté 150 l'an dernier)… Plusieurs pistes évoquées : un accompagnement de tous les nouveaux établissements qui se créent, une signalétique systématique pour les sorties de bars, des médiateurs qui enjoignent subtilement les noctambules au silence, un médiateur aussi entre les exploitants et les riverains lorsque le dialogue est difficile. Il est question de mieux articuler les autorisations d'urbanisme : pourquoi, en face de la Belle Électrique, trouve-t-on des immeubles de logements et non pas de bureaux ?

Quant aux travailleurs nocturnes, ils décrivent des missions difficiles ; les agents de la propreté urbaine subissent des agressions hebdomadaires avec jets de couches sales voire de boules de pétanque… Les femmes de ménage galèrent avec les transports en commun, les policiers municipaux accusent un manque d'effectifs (ils seraient 10 pour un effectif normal de 21, notent Les Orageuses), les pompiers passent trop de temps à gérer les ébriétés. Un chapitre est consacré aux quartiers populaires ; les jeunes s'y sentent oubliés, déjà parce que côté 38100, les lieux de fête et de culture se raréfient nettement par rapport au 38000, mais aussi parce qu'avec des lignes de bus qui s'arrêtent à 19 ou 20h, de toute façon, ils sont assignés à leurs quartiers.

Il ressort de ce rapport, à peu près à tous les niveaux, que ce qui existe déjà est méconnu (par exemple, les bus peuvent déposer à la demande les personnes seules, le soir, tout près de chez elles) ou nécessite une meilleure coordination de tous les acteurs, et une meilleure lisibilité de qui fait quoi. Pour défricher tout ça, des groupes de travail ont bûché, lundi soir, sur différentes thématiques, et des commissions seront créées au mois de mai. Un plan d'action pour la nuit doit être soumis au conseil municipal à l'automne 2022.


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