"En roue libre" au musée de Grenoble : à en perdre les pédales

Avec sa nouvelle exposition intitulée "En roue libre", le musée de Grenoble nous emmène en balade parmi une sélection d'œuvres contemporaines de sa collection. Une belle occasion d'aller à la rencontre de la diversité de ce que recouvre « l'art contemporain ».


Parfois notre rapport à l’art et à la culture est un peu "asphyxié" par les connaissances que nous en avons. Refusant de ne pas "comprendre" les œuvres, nous tentons de nous rassurer en les situant dans un contexte esthétique, culturel et social. Ainsi, nous ne les regardons presque plus mais en lisons attentivement les cartels, comme pour nous assurer qu’elles sont bien de tel artiste ou proches de telle tendance... Avec En roue libre, le musée de Grenoble nous invite à lâcher prise et à nous « laisser transporter par quelque chose qui ne nous appartient plus », comme le dit joliment Guy Tosatto, son directeur.

Ce parcours, qui regroupe une soixantaine d’œuvres sélectionnées parmi la collection du musée, est en effet une sorte de dérive articulée en treize thématiques ouvertes, allant de "Vous avez dit bizarre" à "Musique concrète", en passant par "Travelling" ou encore "Mauvais genre". Treize petites sections qui permettent d’orienter le regard sur des œuvres qui – a priori – n’auraient rien à faire ensemble. Mais libre au visiteur, bien sûr, de se laisser complètement aller (en roue libre donc) et d’opérer à son tour des associations spontanées au gré de sa visite.

Pour notre part, on a retenu de cette petite virée le contraste saisissant entre la fantomatique matière picturale de Philippe Cognée et la surface aseptisée de la gigantesque peinture à l’aérographe de Peter Klasen ; le face-à-face rythmé et coloré entre les simili-vases de McCollum et l’hypnotique composition géométrique de Bridget Riley (que l’accumulation de guitares d’Arman complète joyeusement dans la salle suivante) ; et enfin l’accrochage consacré au "ready-made", cet art du détournement dont on se rend compte qu’il doit autant à une réflexion sur les objets d’art qu’à une interrogation sur la manière de les présenter...

Si l’exposition reste une belle opportunité de se donner une idée de la diversité des formes et des approches de l’art contemporain (il y en a pour tous les goûts), l’accrochage n’est finalement pas toujours si libre qu’il le prétend, et on sent bien que certaines sections auraient pu tout aussi bien s’intituler "art minimal" ou "ready-made" (et finalement s’en référer aux grandes tendances de l’art contemporain). On rêverait que le musée ait le courage d’initier le même type de projet en faisant dialoguer les œuvres de différentes époques ; le « lâcher prise » s’imposerait alors certainement avec plus d’évidence.

En roue libre au musée de Grenoble jusqu’au 3 juillet, 8€/5€/gratuit pour les moins de 26 ans

Arman, Allegro con brio, 1977 - ADAGP, Paris 2022


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